Des policiers français chargés de faire la lumière sur l’attentat de Karachi ont-ils délibérément menti à la justice? C’est la question que se pose le juge Marc Trévidic, chargé du volet terroriste de ce dossier. Selon nos informations, à la demande de l’avocat des familles des victimes, Me Olivier Morice, le magistrat va auditionner deux ex-policiers de la Direction de la surveillance du territoire (DST).
Le commissaire Jean-Michel Roncero travaillait au moment du drame à l’unité d’enquêtes judiciaires de la DST. Il est aujourd’hui sous-directeur du renseignement à la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), chargée de la plupart des investigations du juge Trévidic. Son supérieur hiérarchique de l’époque, Louis Caprioli, a rejoint une société de sécurité privée. Sous la direction du juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière, les deux hommes sont à l’époque les piliers de l’enquête. Ils travaillent en étroite collaboration avec les services d’enquête pakistanais qui, dès le départ, privilégient la thèse d’un attentat islamiste.
2007, année charnière
Devant Marc Trévidic, les ex-policiers de la DST devront s’expliquer sur une note signée le 4 mars 2003 par Roncero, qui présente une version erronée d’un document capital : le rapport du 13 mai 2002 de Dominique Lecomte, experte légiste. Selon cette dernière, l’auteur présumé de l’attentat était « debout », à proximité de la voiture piégée, au moment de l’explosion. Il ne s’agit donc pas d’un kamikaze. La piste islamiste, du même coup, est invalidée. Or Roncero dit le contraire. L’auteur de l’attentat est un « kamikaze », insiste-t-il. Au moment de l’explosion, il est dans la voiture, affairé à connecter les détonateurs. Cela « est confirmé par l’examen du corps du kamikaze fait par les experts et sa position supposée lors de l’explosion », affirme le policier.
La version de Roncero est d’autant plus surprenante que la DST n’ignorait rien, du travail de la légiste. Dix mois plus tôt, une note classée secret-défense et récemment versée au dossier d’instruction du juge Trévidic retranscrit les conclusions de la légiste. Dominique Lecomte « juge probable que le prétendu auteur de l’attentat suicide était déjà à plusieurs mètres de la voiture quand elle a explosé », indique la DST dans cette note du 16 mai 2002. Elle envisage même qu’il pouvait être en train « de se retourner vers la voiture au moment de la déflagration ».
Pourquoi Roncero, le 4 mars 2003, écrit-il le contraire? La DST a-t-elle voulu « coller » à la thèse d’un attentat kamikaze, privilégiée par les services pakistanais? Une chose est certaine : il a fallu attendre 2007 et le départ du juge Jean-Louis Bruguière pour que Marc Trévidic, reprenant le dossier, mette la main sur le rapport de la légiste et abandonne la piste islamiste. Depuis, des investigations financières ont été confiées à Renaud Van Ruymbeke. Et l’hypothèse d’un attentat, commis par les services pakistanais pour punir la France d’avoir mis fin au versement des commissions liées à un contrat d’armement, est privilégiée.http://www.leparisien.fr/affaire-karachi/karachi-la-dst-va-devoir-s-expliquer-01-02-2012-1840163.php
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