L'état d'urgence a été décrété lundi à Ferguson après qu'un adolescent, inculpé pour avoir tiré sur des policiers, a été grièvement blessé à l'issue d'une manifestation marquant le premier anniversaire de la mort de Michael Brown. Décrétant l'état d'urgence, un responsable du comté de Saint Louis, dont dépend Ferguson, a déclaré que la police locale avait pris la responsabilité de la "gestion des urgences policières" dans la ville du Missouri (centre), qui avait rendu hommage dimanche à Michael Brown, jeune Noir tué il y a un an par un policier blanc.
Le comté a pris cette décision "à la lumière des violences de la nuit dernière, des troubles dans la ville de Ferguson et du danger potentiel pour les personnes comme les biens", selon ce responsable. Dans le centre-ville de Saint Louis, proche de Ferguson, une nouvelle manifestation s'est déroulée à la mi-journée lundi. Plus d'une cinquantaine de ses participants ont été arrêtés après avoir avoir franchi une barrière de police devant un bâtiment officiel. Une autoroute proche de la sortie de Ferguson a également été bloquée en fin de journée et d'autres manifestants interpellés dans la ville, ont rapporté des médias locaux.
Échanges de tirs
En lien avec la fusillade ayant éclaté après le rassemblement pacifique de dimanche, un jeune homme de 18 ans, Tyrone Harris, a été inculpé pour coups et blessures sur un agent de police, agression à main armée et pour avoir tiré sur un véhicule motorisé. Grièvement blessé par le feu nourri de trois policiers qui ont répliqué à ces tirs, il se trouvait toujours à l'hôpital lundi, où il avait été conduit dans un état "critique".
Les violences ont éclaté lorsque deux bandes rivales ont échangé des tirs, a indiqué la police. Un homme qui s'enfuyait a alors croisé quatre policiers en civil installés dans un fourgon et tiré sur eux. Des images filmées dimanche soir par l'AFP montrent un homme noir, menotté dans le dos, allongé à plat ventre sur le sol et saignant abondamment. Le chef de la police du comté de Saint Louis, Jon Belmar a refusé de préciser quelle couleur de peau avaient les policiers en civil. Une information potentiellement explosive puisque la mort de Michael Brown, abattu par un policier blanc, avait ravivé des tensions raciales qui se sont depuis exacerbées aux Etats-Unis au fil d'affaires de brutalité policière envers des Noirs.
Des violentes émeutes avaient agité Ferguson en novembre 2014 et s'étaient propagées à d'autres grandes villes américaines, après l'annonce de l'abandon des poursuites contre le policier blanc qui a tiré sur Michael Brown. A Ferguson où la police a été la cible de nombreuses critiques pour son racisme, confirmé par un rapport accablant du ministère de la Justice, le chef de la police et plusieurs responsables de la ville ont depuis démissionné ou été remplacés. Le nouveau chef de la police est un Noir. Les policiers impliqués dans la fusillade de dimanche ont tous entre six et 12 ans d'expérience et ont été suspendus, selon la police.
Triste fin d'une "belle journée"
Au moins deux commerces de Ferguson ont été pillés durant les violences de dimanche. "C'est vraiment malheureux qu'une belle journée se soit terminée de la sorte", a déclaré à l'AFP la propriétaire d'un salon de coiffure, Dellena Jones, devant son commerce mis à sac. La ministre américaine de la Justice, Loretta Lynch a déploré lundi les violences ayant eu lieu la veille à Ferguson. "La violence non seulement obscurcit n'importe quel message véhiculé par une manifestation pacifique, mais met également en danger une communauté et les forces chargées de la protéger", a regretté Mme Lynch qui s'adressait aux membres d'un syndicat de policiers à Pittsburgh.
Dimanche, quelque 300 manifestants s'étaient rassemblés dans le calme pour marquer l'anniversaire de la mort de Michael Brown, le 9 août 2014. Ils ont observé quatre minutes trente de silences symbolisant les quatre heures et demi pendant lesquelles le corps du jeune homme mort à 18 ans était resté dans la rue, face contre terre, avant d'être transporté à la morgue. "Arrêtez de tuer les enfants noirs" pouvait-on lire sur une pancarte. "Black lives matter" ("la vie des Noirs compte"), proclamait une autre, du nom du mouvement né après sa mort.
Le président de la NAACP, plus importante association de défense des droits civiques des Noirs américains, Cornell William Brooks, a estimé dimanche que les réformes législatives qui permettraient d'obliger la police à rendre plus de comptes et à mieux former ses agents avançaient à un rythme "glacial". Barack Obama a lui rejeté les critiques accusant le premier président américain Noir de ne pas en avoir assez fait pour lutter contre le racisme, lors d'un entretien sur la radio publique NPR. "Je me sens pris d'une grande urgence pour accomplir autant que possible" avant de quitter le pouvoir en janvier 2017, a-t-il déclaré.
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