Le tribunal de Nanterre a renvoyé jeudi sine die le procès de François-Marie Banier, 63 ans, soupçonné d'abus de faiblesse sur Liliane Bettencourt. La présidente de la 15e chambre correctionnelle, Isabelle Prévost-Desprez, "a ordonné un supplément d'information" et s'est commise elle-même pour l'exécuter. C'est donc à cette magistrate indépendante qu'il reviendra de décortiquer les enregistrements pirates réalisés au domicile de Liliane Bettencourt par son majordome entre mai 2009 et mai 2010.
Le parquet a immédiatement annoncé faire appel de ce jugement au motif que "le tribunal n'indique pas dans son jugement le périmètre du supplément d'information", confié à Isabelle Prévost-Desprez, a indiqué une source judiciaire. Autre motif de l'appel, selon cette source : le fait qu'une enquête préliminaire soit "déjà en cours" sur l'origine des enregistrements, menée par le parquet de Nanterre. Enfin, "le parquet ne peut pas accepter le fait qu'on considère qu'une enquête menée par le ministère public ne réponde pas aux principes du procès équitable", a ajouté cette source.
Affaire politique
Les écoutes, révélées mi-juin par Mediapart et Le Point, mettent au jour la vulnérabilité de la milliardaire, mais aussi des opérations destinées à échapper au fisc, des immixtions de l'Élysée dans la procédure judiciaire et des liens troubles entre la milliardaire et le ministre du Travail, Éric Woerth, trésorier de l'UMP, et son épouse, Florence, au cours de conversations avec plusieurs de ses proches, au premier rang desquels son gestionnaire de fortune Patrice de Maistre.
Ces révélations ayant viré à l'affaire politique, la milliardaire a annoncé la régularisation fiscale de ses avoirs encore à l'étranger, avant que le ministre du Budget, François Baroin, n'affirme qu'elle fera l'objet d'un contrôle fiscal. De son côté, Éric Woerth, qui se défend de tout conflit d'intérêts, a fait savoir que son épouse avait démissionné de la société Clymène, chargée de gérer la fortune de Liliane Bettencourt, où elle travaillait depuis 2007. Il a révélé avoir autorisé un contrôle fiscal de François-Marie Banier lorsqu'il était ministre du Budget.
"François-Marie Banier souhaite être jugé"
"Je suis absolument ravi d'avoir été totalement suivi dans ma demande et que tout soit fait pour que la vérité éclate", s'est réjoui Me Olivier Metzner, l'avocat de Françoise Bettencourt-Meyers. L'avocat de François-Marie Banier, Me Hervé Temime, s'est montré tout aussi enthousiaste. "Ce complément d'information devrait faire la lumière sur les faits, mais aussi sur les méthodes utilisées par la partie civile", a-t-il réagi, brocardant des pratiques aussi "indignes" qu'"inqualifiables". "Nous n'avons rien à craindre", "François-Marie Banier souhaite être jugé, il souhaite être lavé de tous soupçons", a encore dit l'avocat, assurant que son client collaborera à l'enquête "dans la mesure de ses moyens" pour mettre en lumière "la vérité, toute la vérité, rien que la vérité".
Le seul déçu de cet épilogue était jeudi soir l'avocat de Liliane Bettencourt, la milliardaire héritière de l'empire cosmétique L'Oréal. "Ce n'est pas ce que j'espérais mais ce à quoi je m'attendais", a ainsi réagi Me Georges Kiejman. "Il ne faut rien attendre du supplément d'information", a-t-il affirmé : la décision d'Isabelle Prévost-Desprez "de prendre en charge elle-même les investigations est peut-être excellente pour elle, mais je ne suis pas sûr que cela le soit pour le procès", a-t-il commenté.
Enquête préliminaire
Le parquet de Nanterre avait déjà ouvert récemment une enquête préliminaire sur ces enregistrements. Mais jeudi, Isabelle Prévost-Desprez a rappelé que cette enquête, par sa nature même, ne serait pas "soumise au principe du contradictoire". En outre, a-t-elle pointé, le parquet pourra "choisir, en toute hypothèse, de ne pas verser ces pièces" au tribunal qui doit juger l'affaire Banier. En effet, il revient au parquet de décider de "l'opportunité des poursuites". Le tribunal n'a donné aucune nouvelle date. Il fixera une nouvelle date de procès au moment où il estimera que son supplément d'information est terminé.
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