vendredi 10 décembre 2010

Karachi : un témoignage relance la piste des rétrocommissions

Des commissions commerciales «excessives» dont une partie aurait été reversée à des partis politiques français : la thèse sur laquelle enquêtent deux juges d'instruction en charge du dossier de l'attentat de Karachi au Pakistan, le 8 mai 2002, est relancée par un témoignage exhumé vendredi par «Le Monde».
Des révélations qui renforcent les soupçons des familles des onze victimes françaises sur une affaire d'Etat.


Le quotidien du soir a pu consulter l'audition du contrôleur général des armées, Jean-Louis Porchier, devant la mission parlementaire en 2009. Le président de l'Assemblée nationale a récemment refusé de transmettre les travaux de cette commission aux juges d'instruction.Travaux qu'un député de l'opposition a proposé de fournir.


Principal enseignement de l'audition du haut fonctionnaire : elle révèle les dessous du contrat Agosta, signé en septembre 1994 avec le Pakistan par le gouvernement d'Edouard Balladur. La livraison de trois sous-marins est prévue dans la transaction. D'après Jean-Louis Porchier, «on arrivait ainsi à un total de 800 millions de francs de commissions (NDLR: 122 millions d'euros) ce qui est totalement excessif et injustifié», reconnait le contrôleur général. Interloqué par ce montant et pour y voir plus clair, il se rapproche de Michel Ferrier, ex-directeur des transferts sensibles au secrétariat général de la défense nationale (SGDN).


«Une partie pour la campagne électorale de M. Balladur, et une autre pour M. Léotard»


Devant la mission parlementaire, il relate son entretien avec ce personnage clé de l'industrie de l'armement français. «M. Ferrier m'a dit : Ce contrat ne sert à rien. Ce contrat permet le recyclage d'argent pas très net du côté du Pakistan et, du côté français, il permet de verser des rétrocomissions. Il y a 10% de rétrocomissions sur l'ensemble des FCE. Sur ces 10%, il y en avait une partie pour la campagne électorale de M. Balladur, et une autre pour M. Léotard. Je n'avais pas les moyens de vérifier cela et j'ai écrit dans mon rapport que je ne connaissais pas la destination finale de ces fonds. Je n'ai pas mentionné de noms».


Sans se démonter, Michel Ferrier, a été entendu quelque temps plus tard par la mission parlementaire. Il explique qu'il tirait son raisonnement sur le versement des rétrocommissions de l'analyse d'un précédent contrat dans lequel il avait «bloqué un taux de 10% de commissions financières [qui] était manifestement un acte de corruption» vers un membre du gouvernement.


Deux juges en charge du dossier


Le dossier Karachi est actuellement suivi par deux juges d'instruction. Marc Trévidic travaille sur l'attentat de 2002 dans la capitale pakistanaise qui avait coûté la vie à onze victimes françaises travaillant pour la DCN. Le magistrat pense que l'arrêt du versement des commissions est à l'origine, des années plus tard, de l'attentat.
De son côté, le juge Renaud Van Ruymbeke enquête sur la partie rétrocommissions en vue de financer le parti de M. Balladur pour sa campagne présidentielle en 1995.


La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris examinera le 10 janvier l'appel du parquet contre l'enquête du juge Renaud van Ruymbeke. Le 7 octobre, le ministère public avait fait appel de la décision du juge parisien d'enquêter sur d'éventuelles rétrocommissions

http://www.leparisien.fr/attentat-de-karachi/karachi-un-temoignage-relance-la-piste-des-retrocommissions-10-12-2010-1185813.php

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