"Une symphonie inachevée" : c'est en ces termes un peu amers que le procureur de Nanterre, Philippe Courroye, a décrit vendredi matin sur Europe 1 l'état de ses investigations dans l'affaire Bettencourt. Néanmoins, il se soumet à l'ordre reçu mardi de laisser la main à un juge d'instruction : "Je vais prendre aujourd'hui un réquisitoire introductif qui va entraîner la désignation d'un juge d'instruction", a-t-il indiqué, interrogé par Jean-Pierre Elkabbach.
Pour autant, les enquêteurs qui reprendront ce dossier "ne repartiront pas de zéro", souligne-t-il, en défendant une nouvelle fois son travail dans l'affaire Bettencourt : "Cette enquête résulte d'un travail considérable", a-t-il réaffirmé, reprenant son argumentaire déjà exposé quelques heures auparavant dans les colonnes du figaro.fr. Et d'insister : "Les enquêteurs ont fait un travail énorme", en citant quelques chiffres selon lui éloquents : "3345 feuillets" noircis par les comptes-rendus dans cette affaire, "343 scellés", "37 perquisitions et transports", "3 expertises". Tout ceci pour conclure : "pour une enquête qui devait viser à étouffer une affaire, on aurait pu faire mieux". Quelques heures avant cet entretien sur Europe 1, il avait déjà défendu son travail en ces termes sur le site du Figaro : "c'est un modèle du genre en matière de rapidité et d'efficacité".
"Il y a un seul témoignage : il faudrait le documenter"
"Symphonie inachevée" donc, mais, rappelle-t-il avec une certaine ironie, "la symphonie inachevée de Schubert n'est pas la moins réussie". Et son travail était, assure-t-il, sur le point d'aboutir : "on était à trois semaines - un mois d'une décision". Quelle décision ? "Tout était ouvert", assure-t-il, ce qui laissait bien sûr la possibilité de l'ouverture "d'une ou plusieurs informations judiciaires". Que manquait-il ? "Il restait quelques auditions, dont celle d'Eric Woerth (...) Il restait une expertise comptable qui devait m'être restituée mi-novembre". Il refuse pour autant de s'avancer dans un sens ou dans l'autre, se contentant de laisser planer le doute sur l'importance dans ce dossier du témoignage de la comptable Claire Thibout : "L'enquête est partie d'un témoignage, celui de Claire Thibout, ancienne comptable de Mme Bettencourt (...) Il n'y a qu'un seul témoignage : il faudrait le documenter. Or, en principe de droit, preuve unique, preuve nulle. Je ne suis pas sûr qu'à ce stade, on ait beaucoup avancé."
Sur les soupçons de fraude fiscale visant Liliane Bettencourt, il argumente : "Nous avons d'ores et déjà des éléments objectifs qui montrent qu'il y a un certain nombre de patrimoines qui sont logés à l'étranger, ce qu'elle ne conteste pas d'ailleurs (...) Je crois qu'elle a dit qu'elle était en train de régler ses affaires avec l'administration fiscale". Interrogé sur la série de vols d'ordinateurs et de documents dont ont été victimes des journalistes travaillant sur l'affaire Bettencourt, il répond par l'ironie : "Au train où c'est parti, je vais vérifier si j'ai un bon alibi parce que je me demande si on ne va pas me soupçonner d'avoir volé ces ordinateurs."
A ceux qui évoquent un désaveu du procureur de Nanterre à travers l'injonction qui lui a été faite de passer la main sur ce dossier, il répond simplement : "Je ne suis pas humilié", sachant qu'une affaire judiciaire ne saurait être "une affaire personnelle". Il se dit toutefois "déçu", car "il va manquer des procès-verbaux de synthèse qui vont nuire à la lisibilité du dossier". Et à ceux qui lui reprochent sa proximité avec Nicolas Sarkozy, il réplique d'un sec : "Il serait temps de refermer la boîte à fantasmes".
http://lci.tf1.fr/france/justice/2010-10/affaire-bettencourt-courroye-passe-la-main-6118724.html
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