vendredi 8 juillet 2011

Sur la route de Brega

Sahafa", "presse", lance pour la énième fois le chauffeur de sa voix égale. Le militaire libyen, assis sur son fauteuil de bureau, à l’ombre d’un eucalyptus, les pieds posés sur une pierre, opine du chef et lui fait signe de repartir. L’autobus redémarre en crachotant avec ses onze journalistes étrangers et ses trois guides officiels en route vers la ligne de front. Trois cents mètres plus loin, nouveau poste, nouvelles vérifications et nouveau départ.
Parcourir les 800 kilomètres qui séparent Tripoli de Brega, la dernière ville tenue par le régime de Kadhafi à l’est du pays, s’apparente à une course d’obstacles. Pas moins de 64 barrages se succèdent sur une route rectiligne au milieu d’un paysage plat et désertique piqué de broussailles. Soit, en moyenne, un arrêt tous les douze kilomètres. Un quadrillage qui démontre une peur d’une attaque par les insurgés, même dans des zones considérées comme acquises.
Check-point
A l’approche de la Cyrénaïque, la région rebelle, les contrôles se multiplient. En Libye, il suffit d’un rien pour dresser un check-point. Une corde de marine jetée en travers de la route en guise de ralentisseur, des briques, une borne ou un arceau en plastique, parfois quelques sacs de sable et l’inévitable portrait du colonel Kadhafi, placé en travers de la chaussée, à l’instar d’un panneau signalétique.
Les gardes arborent les tenues les plus diverses : beaucoup sont en civils, d’autres en uniforme bleu de la police. Le plus souvent, ils portent un vague treillis de camouflage, des chaussures de ville, et un fusil d’assaut Kalachnikov. Généralement, un "sahafa" crié par la fenêtre tient lieu de sésame, mais, aux abords des grandes villes, ils se montrent plus soupçonneux, fouillent les coffres, consultent des listes, demandent le passeport.
Missiles Grad
Aucun véhicule militaire n’est visible durant tout le trajet, hormis trois camions vert olive croisés à la tombée de la nuit et pourvus de batteries de missiles Grad, cachées sous une bâche. Pour échapper à la surveillance des avions de l’Otan, ils ne roulent pas en convoi, mais à cinq ou six kilomètres de distance. Les barrages eux-mêmes sont très légers pour ne pas servir de cibles. Une tente, parfois un pick-up garé sous un auvent, avec sa mitrailleuse à l’arrière.
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/monde/20110707.OBS6644/libye-sur-la-route-de-brega.html

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