vendredi 20 août 2010

Une famille ravagée par la haine frôle le drame

Des tensions profondes entre cousins sont à l’origine de la rixe avec des policiers pris pour cible samedi dernier dans une commune du Pas-de-Calais.
Des murs en brique usés par le temps, des volets blancs tagués d’insultes, des portes bleues à la peinture écaillée : dans la résidence HLM de la Plaine, à Montigny-en-Gohelle (Pas-de-Calais), règne une triste atmosphère. Sur le parking, des gamins désœuvrés traînent leur ennui en jouant entre les voitures. C’est dans ce décor que, samedi dernier, la haine qui déchire une famille en deux clans a failli conduire à un drame. Appelés à la suite d’un coup de feu tiré en pleine nuit, deux policiers en civil de la brigade anti-criminalité, rejoints ensuite par des renforts, débarquent immédiatement dans la résidence. Ils sont accueillis par des jets de projectiles lancés d’un balcon au rez-de-chaussée. « Une cannette de bière a touché l’un des policiers au visage, raconte une source proche du dossier. Une dizaine de personnes complètement ivres sont sorties de l’appartement et ont commencé à se battre avec les policiers. On entendait des nourrissons et des enfants pleurer à travers la fenêtre dans l’appartement. L’un des agents est tombé à terre, son arme a volé à ses côtés. Là, une femme s’en est emparée, l’a mis en joue et a tenté de tirer sur lui à trois reprises. Heureusement, le mécanisme s’est grippé, elle n’avait pas dû enlever la sécurité… »

Une famille qui se hait
Cette femme, c’est Corinne (*), 42 ans, mère de sept enfants. Mise en examen pour tentative d’homicide volontaire, elle dort depuis lundi en prison, avec deux de ses fils, son beau-fils et son mari. Pour comprendre comment cette famille a pu en arriver là, il faut remonter quelque temps en arrière.

D’un côté du parking de la résidence vit la blonde Vanessa, 26 ans, avec son concubin, Farid, et leurs deux jeunes enfants. De l’autre côté, à une centaine de mètres à peine, vivent un certain nombre de ses cousins, dont Benjamin (*), 25 ans, et sa mère, Corinne, tous deux faisant partie des mis en examen. Entre ces deux clans, une haine profonde et absolue, dont personne ne se souvient vraiment du début. Vanessa évoque des cousins qui n’ont jamais accepté l’origine maghrébine de son ami, en particulier Benjamin, réputé très violent dans la cité, selon des voisins. Les proches de Benjamin évoquent, eux, une cousine qui les traiterait sans arrêt d’alcooliques, qui pointerait du doigt leur désœuvrement. Il faut dire que le chômage touche une bonne partie du clan de Benjamin. Parmi eux, certains ont même un casier judiciaire, « mais c’est du menu fretin, de la petite délinquance de quartier », selon un policier du coin. Lorsqu’ils se croisent sur le parking qui les séparent, les deux clans s’insultent, se menacent, se font des doigts d’honneur, en viennent même parfois aux mains.

Vols et agressions
Dans la cuisine de son appartement chichement décoré, Aurore, la femme de Benjamin, nous raconte, les larmes aux yeux, un épisode datant d’avril dernier. « Nous étions avec nos bébés en train de nous garer sur le parking d’un supermarché. Farid et Vanessa sont arrivés, ils ont cassé les vitres de notre voiture alors qu’il y avait encore les bébés à l’intérieur. On a commencé à se battre. Pour me défendre, Benjamin a sorti un marteau et tapé sur le crâne de sa cousine. Il fallait bien qu’on fasse quelque chose ! »

« J’ai eu trois points de suture et plusieurs jours d’ITT après le coup de marteau, se défend de son côté la cousine Vanessa. C’est eux qui nous ont attaqués les premiers. Moi, depuis, j’ai tout le temps peur pour moi et mes enfants. » Elle évoque la voiture de son concubin Farid qui a brûlé en novembre dernier. « Je suis sûre que c’est Benjamin qui y a mis le feu. » Pour se venger, Farid et quelques-uns de ses amis sont allés « lui donner une bonne leçon », dit poliment Vanessa. « Ils l’ont tabassé et, quand j’ai commencé à insulter Vanessa à travers ma fenêtre en lui disant de laisser mon mari Benjamin tranquille, elle s’est approchée et m’a giflée violemment, alors que j’étais enceinte et que j’avais ma fille en bas âge dans les bras ! » se plaint Aurore.

Chaque clan ne cesse de déposer des plaintes et des mains courantes, mais à ce jour aucune n’a abouti à une procédure. « Il faut nous comprendre : il n’y a aucun témoin, on ne sait jamais qui croire… » soupire un policier local. Car effectivement la loi du silence est difficile à briser dans la résidence. « Je n’ai rien vu, je n’ai rien entendu, je ne sais pas trop ce qui se passe », nous ont répondu hier tous les voisins croisés au pied de ces petits immeubles en brique.

« Elle ne l’aurait jamais tué »
Samedi dernier, l’alcool aidant, la soirée a dérapé plus qu’à l’ordinaire. Le clan de Benjamin fêtait bruyamment ses 25 ans dans son appartement. Vers 2 heures du matin, il se serait éclipsé de chez lui, décidé à en découdre une fois de plus avec sa cousine, de l’autre côté du parking. Il aurait tiré à deux reprises sur sa porte à l’aide de son fusil 22 long rifle, avant de rentrer précipitamment chez lui. La suite, ce sont les policiers qui arrivent sur place, la rixe, la mère de Benjamin qui se saisit de l’arme de l’un des agents puis tente de tirer.

A travers la barrière en bois de sa maison, située à quelques rues de la résidence, Sabrina, une des filles de Corinne, ne retient pas ses larmes. « Ma mère avait bu, mais elle n’aurait jamais tué quelqu’un. Elle a juste vu son mari et ses fils se battre avec les policiers, l’arme qui tombe à ses pieds, et elle a eu le réflexe de la ramasser et de pointer le policier. Mais c’est une bonne maman… Elle ne l’aurait jamais tué. » Au juge chargé de l’affaire désormais de décider ou non si Corinne aurait pu se transformer en meurtrière samedi dernier.

(*) Les prénoms ont été modifiés.
http://www.francesoir.fr/faits-divers/une-famille-ravagee-par-la-haine-frole-le-drame.9290

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