Arrestations massives, rafles nocturnes, pillages, exécutions sommaires en pleine rue, consignes de viols données à haut niveau, disparitions en grand nombre, fosses communes: en l'absence de témoins étrangers, c'est un véritable drame humanitaire à huis clos qui serait en train de se jouer à Tripoli.
Confronté à une pression internationale accrue, Mouammar Kadhafi s'est lancé dans une fuite en avant, instaurant dans la capitale et sa région un climat de terreur qui ne cesse de se renforcer, selon diverses sources. Des «informations parcellaires mais concordantes» ont en effet été obtenues en ce sens, notamment auprès de personnes ayant fui le régime, par des organisations des droits de l'homme, des diplomates et des services de renseignements occidentaux. «C'est une politique de la terre brûlée, visant à maintenir l'effroi dans la capitale et à empêcher tout soulèvement dans la capitale», souligne-t-on à Paris, où l'on ne cache pas une «forte inquiétude».
Selon un diplomate proche du dossier, le bilan de ces exactions s'élève à «plusieurs milliers de morts, peut-être plus de 10.000», en trois mois à Tripoli. Un chiffre moins important que les 20.000 tués annoncés le mois dernier par la rébellion, mais très considérable néanmoins pour une ville de deux millions d'habitants. Quelque 20.000 personnes ont été arrêtées, ajoute-t-on de même source. «Kadhafi étant capable de tout et notamment du pire, on ne peut avoir à l'avenir que de mauvaises surprises», s'alarme-t-on au Quai d'Orsay.
Selon des témoignages compilés à Paris, Tripoli, où des violences ont été exercées par le régime dès le début de la révolte, mi-février, est actuellement «sous le joug». Les habitants originaires de l'est du pays sont systématiquement arrêtés. Être suspecté d'avoir regardé la chaîne de télévision al-Jezira suffit pour être interpellé. Des témoignages évoquent des pères de famille torturés devant femme et enfants, avant de disparaître.
D'autres éléments, rapportés de source diplomatique, esquissent, par bribes, une «situation de cauchemar». La capitale compterait ainsi plusieurs fosses communes, selon des conducteurs de tractopelles chargés d'ensevelir les cadavres. D'autres témoignages racontent comment les pro-Kadhafi propagent la terreur dans la population en saccageant leurs propres hôpitaux. Des poches de plasma sanguin sont délibérément lacérées dans des établissements déjà très démunis.
Corollaire d'une atmosphère étouffante, une chape de plomb pèse sur la population qui fait l'objet d'une étroite surveillance. Le système d'écoutes téléphoniques perfectionné par les Libyens - qui bénéficient d'un savoir-faire hérité des Soviétiques - permet de localiser l'origine d'un appel en seulement une à deux minutes. «Les gens n'osent plus rien dire, chacun est persuadé d'être sur écoute», rapporte une source diplomatique.
Même dans la hiérarchie du régime, «chaque responsable est entouré par des gens qui sont chargés, non pas de le protéger, mais de le surveiller», poursuit-on. Cela n'empêche pas «les craquements et zones grises», dit un diplomate. «Des tirs, distincts des bombardements alliés, sont entendus chaque nuit et les affiches progouvernementales arrachées, signe d'une opposition active», indique une journaliste présente sur place jusqu'à ces dernières semaines.
Selon Paris, les défections se poursuivent «lentement mais sûrement»: mardi, plusieurs officiers, dont cinq généraux; la semaine dernière, le gouverneur de la banque centrale et l'ambassadeur à Bruxelles. Dans le même temps, le régime s'efforce de maintenir un semblant de normalité dans Tripoli transformée en ville-Potemkine. «Les commerçants sont obligés sous la contrainte de maintenir leur rideau ouvert et les enfants sont envoyés à l'école même s'ils ne font rien», raconte une source diplomatique.
À Paris, on se dit persuadé que «c'est une affaire de temps et que le sort de Kadhafi est scellé». Mais on ne se hasarde plus à un pronostic en termes de jours où de semaines, comme ce fut naguère le cas. On insiste en revanche sur la nécessité de maintenir la pression tous azimuts. «Les exactions à Tripoli nous montrent que la mission de protection des civils (qui légitimait l'intervention militaire autorisée par la résolution 1973 du Conseil de sécurité, NDLR) est loin d'être achevée», insiste-t-on au Quai d'Orsay. Après le ralliement de la Russie aux positions occidentales sur la Libye, vendredi dernier au G8 de Deauville, l'extrême maltraitance infligée à la population de Tripoli pourrait encore renforcer le front international contre Kadhafi.
http://www.lefigaro.fr/international/2011/05/31/01003-20110531ARTFIG00782-paris-denonce-le-regne-de-la-terreur-a-tripoli.php
Confronté à une pression internationale accrue, Mouammar Kadhafi s'est lancé dans une fuite en avant, instaurant dans la capitale et sa région un climat de terreur qui ne cesse de se renforcer, selon diverses sources. Des «informations parcellaires mais concordantes» ont en effet été obtenues en ce sens, notamment auprès de personnes ayant fui le régime, par des organisations des droits de l'homme, des diplomates et des services de renseignements occidentaux. «C'est une politique de la terre brûlée, visant à maintenir l'effroi dans la capitale et à empêcher tout soulèvement dans la capitale», souligne-t-on à Paris, où l'on ne cache pas une «forte inquiétude».
Selon un diplomate proche du dossier, le bilan de ces exactions s'élève à «plusieurs milliers de morts, peut-être plus de 10.000», en trois mois à Tripoli. Un chiffre moins important que les 20.000 tués annoncés le mois dernier par la rébellion, mais très considérable néanmoins pour une ville de deux millions d'habitants. Quelque 20.000 personnes ont été arrêtées, ajoute-t-on de même source. «Kadhafi étant capable de tout et notamment du pire, on ne peut avoir à l'avenir que de mauvaises surprises», s'alarme-t-on au Quai d'Orsay.
Selon des témoignages compilés à Paris, Tripoli, où des violences ont été exercées par le régime dès le début de la révolte, mi-février, est actuellement «sous le joug». Les habitants originaires de l'est du pays sont systématiquement arrêtés. Être suspecté d'avoir regardé la chaîne de télévision al-Jezira suffit pour être interpellé. Des témoignages évoquent des pères de famille torturés devant femme et enfants, avant de disparaître.
Hôpitaux saccagés
Des détenus sont utilisés comme boucliers humains à Bab al-Aziziya, le repaire de Kadhafi, dans le viseur des avions de l'Otan. Dans deux cas, rapportés par une source diplomatique, des femmes ont été violées, manifestement sur ordre. L'ampleur de ces exactions et l'identité de leurs auteurs, la plupart du temps en civil, sont difficiles à établir. Mais plusieurs sources font état de détenus de droit commun libérés et recrutés comme auxiliaires des forces de l'ordre.D'autres éléments, rapportés de source diplomatique, esquissent, par bribes, une «situation de cauchemar». La capitale compterait ainsi plusieurs fosses communes, selon des conducteurs de tractopelles chargés d'ensevelir les cadavres. D'autres témoignages racontent comment les pro-Kadhafi propagent la terreur dans la population en saccageant leurs propres hôpitaux. Des poches de plasma sanguin sont délibérément lacérées dans des établissements déjà très démunis.
Corollaire d'une atmosphère étouffante, une chape de plomb pèse sur la population qui fait l'objet d'une étroite surveillance. Le système d'écoutes téléphoniques perfectionné par les Libyens - qui bénéficient d'un savoir-faire hérité des Soviétiques - permet de localiser l'origine d'un appel en seulement une à deux minutes. «Les gens n'osent plus rien dire, chacun est persuadé d'être sur écoute», rapporte une source diplomatique.
Même dans la hiérarchie du régime, «chaque responsable est entouré par des gens qui sont chargés, non pas de le protéger, mais de le surveiller», poursuit-on. Cela n'empêche pas «les craquements et zones grises», dit un diplomate. «Des tirs, distincts des bombardements alliés, sont entendus chaque nuit et les affiches progouvernementales arrachées, signe d'une opposition active», indique une journaliste présente sur place jusqu'à ces dernières semaines.
Selon Paris, les défections se poursuivent «lentement mais sûrement»: mardi, plusieurs officiers, dont cinq généraux; la semaine dernière, le gouverneur de la banque centrale et l'ambassadeur à Bruxelles. Dans le même temps, le régime s'efforce de maintenir un semblant de normalité dans Tripoli transformée en ville-Potemkine. «Les commerçants sont obligés sous la contrainte de maintenir leur rideau ouvert et les enfants sont envoyés à l'école même s'ils ne font rien», raconte une source diplomatique.
À Paris, on se dit persuadé que «c'est une affaire de temps et que le sort de Kadhafi est scellé». Mais on ne se hasarde plus à un pronostic en termes de jours où de semaines, comme ce fut naguère le cas. On insiste en revanche sur la nécessité de maintenir la pression tous azimuts. «Les exactions à Tripoli nous montrent que la mission de protection des civils (qui légitimait l'intervention militaire autorisée par la résolution 1973 du Conseil de sécurité, NDLR) est loin d'être achevée», insiste-t-on au Quai d'Orsay. Après le ralliement de la Russie aux positions occidentales sur la Libye, vendredi dernier au G8 de Deauville, l'extrême maltraitance infligée à la population de Tripoli pourrait encore renforcer le front international contre Kadhafi.
http://www.lefigaro.fr/international/2011/05/31/01003-20110531ARTFIG00782-paris-denonce-le-regne-de-la-terreur-a-tripoli.php
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire