La mort d'Oussama ben Laden "va très vite encourager les tendances centrifuges au sein d'Al Qaïda" et pourrait marquer le début de la fin de l'organisation, a estimé lundi le chercheur français Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences-Po Paris et auteur notamment de La véritable histoire d'Al Qaïda.
"L'adhésion à Al Qaïda s'opérait sur la base d'une allégeance personnelle et absolue à ben Laden. Aucun mécanisme de succession n'était prévu et l'équation personnelle du fondateur de l'organisation, en termes de prestige médiatique et de charisme militant, est unique", a ajouté le chercheur. "Son adjoint Ayman al-Zawahiri, de nationalité égyptienne, n'a pas la capacité de s'imposer sur un mode comparable", a-t-il affirmé. Selon lui, "cette disparition va très vite encourager les tendances centrifuges au sein d'Al-Qaida, entre un centre de plus en plus pakistanisé (et donc étranger aux réalités arabes), une branche irakienne désormais identifiée au sunnisme le plus agressif et une Al-Qaida pour la Péninsule arabique, très marquée par sa dimension yéménite et son ambition saoudienne, qui refusera sans aucun doute de s'aligner sur un dirigeant égyptien".
Quels effets sur les relations avec le Pakistan ?
Mais cette disparition du leader d'Al-Qaïda pourrait aussi avoir un fort impact sur les relations entre les Etats-Unis et le Pakistan - un pays allié, mais souvent pointé du doigt pour son manque d'empressement à lutter contre le terrorisme. "Il va y avoir une période de fortes tensions entre Washington et Islamabad car ben Laden semblait vivre ici tout près d'Islamabad", prédit ainsi Imtiaz Gul, un expert des questions de sécurité. "Si l'ISI (le renseignement militaire pakistanais) l'avait su alors quelqu'un au sein de l'ISI aurait dû faire fuiter l'information. Le Pakistan va avoir fort à faire pour limiter les dégâts car les Etats-Unis n'arrêtaient pas de dire qu'il se trouvait au Pakistan (...) C'est un coup sérieux porté à la crédibilité du Pakistan".
Expert des questions de défense, l'ancien général Talat Masood juge pour sa part que la réputation des services pakistanais va être préservée par le fait qu'ils ont participé à l'opération ayant abouti à la mort d'Oussama ben Laden. "Il doit y avoir une forme de soulagement car cela va enlever un peu de pression sur le Pakistan", a-t-il dit. "Il est plus que probable que le Pakistan a apporté sa contribution et le mérite en revient en partie au Pakistan."
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