Les enquêtes sur une éventuelle corruption lors de la présidentielle de 1995 et un attentat antifrançais au Pakistan en 2002, qui pourraient être liés, tournent à l'affrontement entre les juges et le pouvoir.
L'affaire est politiquement sensible car le nom de Nicolas Sarkozy, ministre du Budget et porte-parole de la campagne d'Edouard Balladur, est cité au dossier judiciaire. L'affaire réveille de plus des antagonismes à droite vieux de 15 ans.
Le juge d'instruction antiterroriste Marc Trévidic a écrit lundi au ministre de la Défense, Alain Juppé, qui était Premier ministre entre 1995 et 1997, pour obtenir des documents classés secret-défense et déjà demandés en vain en mai dernier, a-t-on appris de source judiciaire.
Marc Trévidic enquête sur l'attentat du 8 mai 2002 à Karachi qui a fait 15 morts dont 11 Français, la seule action antifrançaise de ce type jamais commise dans ce pays.
Un lien est soupçonné entre l'attentat et l'arrêt du paiement de commissions au Pakistan ordonné en 1995 par Jacques Chirac, en marge d'une vente de sous-marins, à la construction desquels travaillaient les victimes françaises de l'attentat.
Jacques Chirac soupçonnait un retour de l'argent en France par le biais de "rétrocommissions" et un financement de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur, son rival en 1995.
FILLON REFUSE UNE PERQUISITION À LA DGSE
Le juge Trévidic n'a obtenu après sa demande de mai que des pièces sans portée déterminante. Hervé Morin, prédécesseur d'Alain Juppé, a en revanche refusé d'en livrer d'autres, sans même demander un avis sur leur déclassification à la commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN).
"Il s'agit d'enquêtes administratives sur le versement des commissions et d'un rapport réalisé par Dominique Castellan, un dirigeant de la Direction des constructions navales (DCN), sur l'arrêt du versement des commissions", a dit la source.
La demande du juge Trévidic fait suite à plusieurs déclarations de l'Elysée sur le sujet depuis vendredi. Son secrétaire général, Claude Guéant, a d'abord déclaré qu'aucun refus n'avait été opposé aux juges, puis Nicolas Sarkozy a assuré samedi que tout ce qui serait demandé serait remis.
"L'Etat aidera la justice en lui communiquant tous les documents dont elle aura besoin", a-t-il dit.
Le juge Renaud Van Ruymbeke, qui enquête directement sur la supposée corruption de 1995, s'est vu par ailleurs refuser par le Premier ministre, François Fillon, une perquisition à la DGSE, les services secrets, a confirmé Matignon.
Le magistrat souhaitait obtenir les résultats de l'enquête menée par la DGSE en 1995 sur l'affaire, notamment les transcriptions d'écoutes téléphoniques réalisées sur l'entourage de François Léotard, ministre de la Défense du gouvernement Balladur.
François Fillon a refusé, vendredi, en invoquant l'avis négatif de la CCSDN mais il demandera au ministre de la Défense d'envisager la déclassification des documents si une demande de levée de secret-défense est déposée, a dit son entourage.
VILLEPIN AUDITIONNÉ EN FIN DE SEMAINE
Secrétaire général de l'Elysée en 1995, Dominique de Villepin, qui a fait état de "très forts soupçons de rétrocommissions", devrait être entendu par le juge Van Ruymbeke en fin de semaine prochaine, selon l'entourage de l'ex-Premier ministre.
Le juge a auditionné plusieurs témoins qui, comme lui, confirment que le paiement d'une partie des commissions de quelque 84 millions d'euros convenu par écrit pour le Pakistan avait été interrompu en 1995 sur ordre de Jacques Chirac.
La police luxembourgeoise a écrit dans un rapport versé aux dossiers français que deux sociétés destinées à recevoir l'argent des commissions avaient été fondées au Luxembourg par la DCN avec l'aval d'Edouard Balladur et de Nicolas Sarkozy.
Le lien avec l'attentat en 2002, qui serait, dans cette hypothèse, une vengeance ou un "rappel" à Jacques Chirac, qui venait juste d'être réélu, reste, justement; hypothétique.
Cette piste résulte essentiellement d'un rapport de renseignement privé réalisé pour le compte de la DCN, baptisé "Nautilus", et dépourvu de preuves.
Le Parti socialiste a écrit au président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, pour lui demander la formation d'une seconde mission d'information parlementaire
http://www.lepoint.fr/fil-info-reuters/les-juges-mettent-le-pouvoir-sous-pression-sur-l-affaire-karachi-22-11-2010-1265580_240.php
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