La Cour de Cassation a ordonné mercredi le dépaysement à Bordeaux des principaux pans de l'affaire Bettencourt. Le Figaro fait le point sur les principales procédures en cours.
Après des mois de bras de fer et de polémiques, le tribunal correctionnel de Nanterre a perdu la main sur l'affaire Bettencourt. La Cour de cassation a transféré mercredi de Nanterre à Bordeaux les principaux volets de cette affaire tentaculaire. Le dépaysement a été demandé en raison des dissensions entre le procureur de Nanterre, Philippe Courroye, et la présidente de la 15e chambre du tribunal correctionnel de Nanterre, Isabelle Prévost-Desprez. L'affaire Bettencourt relève désormais du tribunal de grande instance de Bordeaux.
Un énième rebondissement dans une saga tumultueuse. Depuis fin 2007, elle est sortie du cadre du différend familial pour devenir une affaire politique avec l'apparition du nom d'Eric Woerth. L'affaire s'est aussi transformée en affrontement judiciaire entre Philippe Courroye et Isabelle Prévost-Desprez. Sans parler des plaintes portées depuis en marge de l'affaire (plainte contre X du Monde pour espionnage d'un de ses journalistes, enquête prélimaire après la plainte d'un actionnaire de L'Oréal sur un contrat de complaisance entre François-Marie Banier etl'Oréal). Le Figaro revient sur les dossiers, désormais dépaysés, qui sont au coeur de l'affaire Bettencourt.
L'ABUS DE FAIBLESSE
C'est l'origine de l'affaire Bettencourt. En décembre 2007, un mois après la mort de son père, Françoise Bettencourt-Meyers, fille de l'héritière de L'Oréal, porte plainte contre X au parquet de Nanterre pour «abus de faiblesse» commis sur sa mère Liliane. Face au refus de poursuivre du parquet, Françoise Bettencourt délivre, un an et demi plus tard, une citation directe pour «abus de faiblesse» visant François-Marie Banier. Elle soupçonne le photographe d'avoir profité de la fragilité de Liliane pour obtenir de grosses sommes d'argent et des cadeaux. Les œuvres d'art, les chèques et les trois contrats d'assurance vie transmis à Banier avoisineraient 993 millions d'euros.
La révélation, mi-juin, de l'existence des enregistrements pirates du majordome de la milliardaire, réalisés entre mai 2009 et mai 2010 bouleverse le dossier. La juge Isabelle Prévost-Desprez renvoie sine die le procès de Banier et se charge le 1er juillet d'un supplément d'information à la lumière des révélations contenues dans les bandes. C'est de cette enquête dont la juge a été désaisie.
A cette procéure initiale s'ajoutent les nouvelles citations directes pour abus de faiblesse , délivrées le 4 novembre 2010 par Françoise Meyers contre François-Marie Banier, le gestionnaire de fortune de la milliardaire Patrice de Maistre et l'avocat fiscaliste de Bettencourt Fabrice Goguel. Ce nouveau front judiciaire élargit le périmètre de l'affaire, notamment à la question du transfert de propriété de l'île d'Arros. Avec cette pirouette procédurale, le camp Meyers espère empêcher le dépaysement de l'affaire. La juge Prévost-Desprez sera formellement saisie de cette seconde vague de citations le 25 novembre. Il faudra attendre cette date pour savoir si cette procédure est aussi susceptible d'être dépaysée.
Dans la logique de ces procédures pour abus de faiblesse, Françoise Meyers-Bettencourt a déposé par trois fois une demande de mise sous tutelle de sa mère. Les deux premières requêtes ont ont déjà été repoussées faute d'expertise médicale. La dernière demande a été jugée recevable, mercredi, mais l'avocat de la milliardaire a fait appel. Cette multiplication des procédures de tutelle ont poussé Liliane Bettencourt, qui s'estime harcelée, a porté plainte contre sa fille pour «violences morales».
L'INFORMATION JUDICIAIRE
Le procureur Philippe Courroye, en conflit avec Isabelle Prévost-Desprez, a été contraint par sa hiérarchie d'ouvrir fin octobre une information judiciaire qui regroupe les quatre enquêtes préliminaires dont il avait la charge. Ces enquêtes avaient été ouvertes après la publication des enregistrements pirates.
• Enquête préliminaire pour atteinte à la vie privée. Elle vise l'authenticité (et non le contenu) des enregistrements clandestins effectués par le majordome.
• Enquête préliminaire sur les allégations de financement illégal de la vie politique. Les révélations de l'ex-comptable Claire Thibout, qui affirme qu'Eric Woerth (alors trésorier de l'UMP) aurait reçu de Patrice de Maistre 150.000 euros en liquide au printemps 2007 pour financer la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, entraînent l'ouverture d'une enquête préliminaire sur les allégations de financement illégal de la vie politique. Les enquêteurs ont mis la main sur les carnets de décaissement de l'ancienne comptable. L'ex ministre du travail et Patrice de Maistre ont démenti.
• Enquête préliminaire sur des faits présumés de fraude fiscale et de blanchiment. Les enregistrements de son majordome suggèrent des opérations financières destinées à échapper au fisc et entretiennent le doute sur les liens entre la milliardaire et l'ex ministre du budget, Eric Woerth, et son épouse Florence. Cette dernière a travaillé pour Clymène la société qui gère les dividendes versés par L'Oréal à Liliane Bettencourt. Son gestionnaire de fortune Patrice de Maistre a affirmé lors d'une de ses gardes à vue qu'Eric Woerth lui aurait demandé de recevoir sa femme «pour essayer de la conseiller sur sa carrière». Dans cette enquête figure un volet pour «trafic d'influence», également susceptible de mettre en cause Eric Woerth. Cette partie concerne l'intervention d'Eric Woerth pour obtenir la Légion d'honneur qu'ila remis à Patrice de Maistre en 2008. De son côté, Liliane Bettencourt a reconnu avoir placé 78 millions d'euros sur des comptes en Suisse et a promis de régulariser sa situation fiscale.
• Enquête préliminiare pour escroquerie et abus de confiance. Elle porte sur le montage financier autour de l'acquisition par la famille Bettencourt de l'île d'Arros aux Seychelles. Cet îlot de 1,5 km² est actuellement la propriété d'une fondation basée au Liechtenstein aux mains de l'ancien avocat fiscaliste de Liliane Bettencourt Fabrice Goguel et d'un avocat genevois, Edmond Tavernier. Si la mission de la fondation, «l'équilibre écologique, esthétique et humain», devenait inatteignable, la fondation pourrait être liquidée et ses avoirs - 20 millions d'euros versés par Liliane Bettencourt - partagés entre plusieurs bénéficiaires dont François-Marie Banier, Me Goguel et Me Tavernier.Le procureur Courroye, qui s'est rendu en Suisse, se demandait jusqu'à quel point Liliane Bettencourt, aujourd'hui simple locataire d'Arros, était éclairée sur les modalités de l'achat de l'île (évaluée à 500 millions d'euros) et sa sortie du patrimoine de L'Oréal.
» Changement de magistrats en vue dans l'affaire Bettencourt
VIOLATION DU SECRET PROFESSIONNEL
Ce troisième volet de l'affaire s'est développé fin octobre et est susceptible de mettre en cause la juge Prévost-Desprez. Une information judiciaire contre X a été ouverte à Versailles pour «violation du secret professionnel», après des fuites dans la presse. Le parquet de Nanterre a ouvert une enquête après la plainte déposée par l'avocat de Liliane Bettencourt à la suite d'un article du Monde en date du 2 septembre, qui faisait état d'une perquisition en cours au domicile de la milliardaire. «L'enquête a mis en évidence des échanges très nombreux entre Mme Prévost-Desprez via des SMS avec l'un des deux journalistes du Monde», selon une source proche de l'enquête.
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2010/11/16/01016-20101116ARTFIG00827-les-multiples-procedures-de-l-affaire-bettencourt.php
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