Dans un entretien exclusif accordé au Point - dans le numéro daté du 30 septembre -, le président du groupe L'Oréal, Lindsay Owen-Jones, sort du silence qu'il s'est imposé depuis le début de l'affaire Bettencourt. "Mon rôle et l'attachement que j'ai pour cette entreprise m'imposent d'intervenir", déclare-t-il, alors que la justice est saisie de plusieurs enquêtes relatives aux donations effectuées par Liliane Bettencourt au photographe François-Marie Banier et aux soupçons visant le ministre Éric Woerth, dont l'épouse travaillait dans l'une des sociétés de la milliardaire. "Soucieux" pour l'image de L'Oréal, il dit "s'inquiéter pour son identité" et souhaite ouvertement la "réconciliation" entre Mme Bettencourt et sa fille.
"Jusqu'à présent, l'entreprise est passée au travers de cette tempête sans dégâts, ses résultats sont excellents", explique M. Owen-Jones, qui fut pdg de L'Oréal jusqu'en 2006 et préside depuis son conseil d'administration. Il ajoute cependant qu'"à l'étranger, où le nom des Bettencourt est moins connu qu'en France, on parle d'une affaire L'Oréal". "C'est pourquoi, dit-il, pour les salariés, pour les actionnaires, pour les clients, il est important que Liliane et Françoise Bettencourt retrouvent le chemin de la paix et de la réconciliation."
Banier n'est pas son "ami"
Interrogé sur les contrats de conseil et de parrainage conclus en 1996 - et renouvelés en 2001 - entre L'Oréal et François-Marie Banier, Lindsay Owen-Jones en justifie "l'utilité" par la nécessité pour le groupe de développer "des liens avec le monde des arts et de la culture". Il confirme que M. Banier fut, à l'origine, en 1991, "recommandé par M. ou Mme Bettencourt" et précise : "Il est évident que cela faisait plaisir à Mme Bettencourt. De là à parler de contrats de complaisance, il y a un monde."
Ces contrats, qui garantissaient un financement d'au moins 700.000 euros annuels en faveur de M. Banier, sont toutefois visés par une plainte pour "abus de biens sociaux" déposée par un petit actionnaire de L'Oréal. Le groupe a annoncé récemment qu'il les avait résiliés. "Jean-Paul Agon [actuel directeur général de L'Oréal] et moi souhaitions, depuis quelque temps déjà, y mettre un terme, parce que le jeune artiste démuni de 1991 n'est plus aujourd'hui ni jeune - ni apparemment démuni -, mais nous étions tenus par des contrats et ne souhaitions pas ouvrir un nouveau front judiciaire. Le bruit médiatique autour de cette affaire constituait un cas de force majeure qui nous permettait de rompre par anticipation les contrats pour préserver la réputation de L'Oréal."
Questionné sur ses relations personnelles avec M. Banier, M. Owen-Jones répond que celui-ci n'est "absolument pas" l'un de ses amis.
Un conte de fées
Évoquant par ailleurs la donation de 100 millions d'euros effectuée par Mme Bettencourt en sa faveur en 2005 - qui a été divulguée à l'occasion de l'enquête judiciaire -, le président de L'Oréal assume "sans complexe ni regret", soulignant qu'il n'était "pas seulement le patron salarié de L'Oréal, mais l'entrepreneur délégué des Bettencourt". "J'ai dit merci et je continue à dire merci, déclare-t-il. Pour moi, c'était l'ultime chapitre d'un conte de fées." Il rappelle, à ce propos, que "depuis que ce fait est connu, ni Nestlé [qui détient 29,9% des actions du groupe] ni personne ne [le lui] ont reproché".
Au cours de l'un des fameux enregistrements du maître d'hôtel de Mme Bettencourt - révélés par Le Point et Mediapart -, M. Banier laissait clairement entendre que Lindsay Owen-Jones aurait souhaité percevoir cette somme en Suisse. "C'est évidemment faux, répond l'intéressé. Je n'ai jamais eu de compte en Suisse. Ce don a été perçu de façon régulière et a été déclaré. Un dirigeant d'entreprise serait fou de procéder autrement. Ce n'est pas mon cas."
Enfin, interrogé sur sa perception de l'état de santé de Mme Bettencourt au fil des ans, alors qu'il s'entretient régulièrement avec elle depuis vingt-cinq ans, M. Owen-Jones a refusé de répondre. "Pour moi, l'essentiel est que Liliane et Françoise Bettencourt se retrouvent, a-t-il dit. Vous devez comprendre, dans ces conditions, que je ne peux m'exprimer sur ce sujet sans risquer de nuire à cet objectif."
http://www.lepoint.fr/economie/bettencourt-banier-l-oreal-owen-jones-raconte-29-09-2010-1242548_28.php
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