vendredi 3 septembre 2010

"Ça devient vraiment très compliqué"

Jeudi matin, Eric Woerth saluait encore la grande élégance des syndicats concernant l'affaire Bettencourt. "Ils n'ont jamais mis d'huile sur le feu, ils sont restés sur les sujets qui les concernent et je leur rends hommage", avait-t-il dit devant l'Association des journalistes économiques et financiers. Mais peu après, devant ces mêmes journalistes, le ministre du Travail reconnaissait être l'auteur d'une lettre écrite en 2007, lettre par laquelle il appuyait la demande d'attribution de la Légion d'honneur de Patrice de Maistre, gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt. Et cet aveu, contraint et forcé, a depuis largement changé la donne. Nicolas Sarkozy, qui s'est toujours targué d'entretenir de bonnes relations avec les syndicats, voit désormais à la fois la CGT et la CFDT, qui avaient pris soin jusqu'ici de ne pas mélanger les affaires et la réforme en cours, entrer dans la mêlée. Une intervention est lourde de sens avant le début, mardi, de l'examen de la réforme des retraites à l'Assemblée nationale qui coïncidera avec une journée de grèves et de manifestations à l'appel de tous les syndicats
Dans un entretien commun aux Echos datés de vendredi, le secrétaire général de la CGT Bernard Thibault et son homologue de la CFDT, François Chérèque, déclarent que les différentes affaires qui visent Eric Woerth empêchent d'avoir un débat de fond sur ce projet clé du quinquennat de Nicolas Sarkozy. "Je me pose une question légitime : comment peut-il gérer en même temps ses problèmes personnels avec l'affaire Bettencourt et la réforme des retraites ?", s'interroge François Chérèque dans Les Echos. "Cette situation fait qu'on n'aborde plus du tout le fond du dossier. C'est un vrai problème". Bernard Thibault estime lui aussi qu'Eric Woerth "est objectivement plus occupé, et préoccupé, par autre chose que par le sujet qui nous, nous intéresse", le projet qui reporte de 60 à 62 ans l'âge légal de départ à la retraite.

"On ne pourra pas tenir pendant deux mois"

Officiellement, du côté du gouvernement, les explications contradictoires d'Eric Woerth n'ont rien changé. Le ministre du Travail a toujours "toute la confiance" du président pour défendre devant les députés la réforme des retraites, a-t-on répété jeudi à l'Elysée. Dans la soirée, François Fillon lui a aussi renouvelé dans un communiqué toute sa "confiance", estimant qu'Eric Woerth faisait "face à une campagne de dénigrement inacceptable" et réaffirmant qu'il mènerait la réforme des retraites "à son terme". Mais en coulisse le ton est un peu différent. "Ça devient vraiment très compliqué", lâche un proche du chef de l'Etat. "On ne pourra pas tenir comme ça pendant deux mois encore", abonde une source gouvernementale.

A en croire certains signes, l'appui présidentiel a déjà perdu un peu de sa vigueur du début de l'été. Ainsi que l'a concédé implicitement Luc Chatel, Nicolas Sarkozy s'est abstenu de soutenir Eric Woerth devant les autres membres du gouvernement mercredi. Avant de s'exprimer par communiqué, François Fillon avait refusé lors d'un déplacement en province de commenter le dernier rebondissement de cette affaire politico-judiciaire, se contentant de dire que la réforme serait "conduite par le ministre" qui en est "en charge". La participation du chef du gouvernement jeudi prochain à une émission télévisée consacrée aux retraites a été perçue comme un nouveau camouflet à Eric Woerth, déjà considéré comme une des victimes du remaniement annoncé pour novembre. "Il est mort politiquement et ne sera pas reconduit, c'est clair", parie sans l'ombre d'un doute un cadre de la majorité.

Ces derniers jours, le ministre est apparu les traits tirés, physiquement marqué par deux mois de polémique. "Il a une très grande lassitude", dit un membre de l'UMP. Peut-il tenir le vif débat qui s'annonce à partir de mardi sur les retraites? Les députés PS le jugent "totalement disqualifié". Un avis partagé par le PCF et le NPA, qui réclament de nouveau sa démission, en plus du retrait de la réforme.
http://lci.tf1.fr/politique/ca-devient-vraiment-tres-complique-6056821.html

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