mardi 28 septembre 2010

Qui enquêtera sur l'affaire Woerth-Bettencourt ?

Qui aura la mainmise sur l'enquête dans l'affaire Woerth-Bettencourt ? Le parquet de Nanterre et son procureur, Philippe Courroye, ou bien un juge d'instruction. Les derniers développements intervenus lundi avec la recommandation du Procureur général près la Cour de Cassation ont compliqué un peu plus un dossier tentaculaire.


Jean-Louis Nadal, le premier procureur de France, a préconisé qu'une information judiciaire soit ouverte, ce qui entraînerait, si cette préconisation était suivie, la désignation d'un juge d'instruction
Dans le même temps, il a recommandé de ne pas saisir pour le moment la Cour de Justice de la République (CJR), la seule instance à pouvoir juger un ministre ayant commis un crime ou un délit dans l'exercice de ses fonctions.


Mais afin de déterminer si Eric Woerth s'est ou non rendu coupable de faits délictuels lors de son passage au ministère du Budget, et avant de décider d'une éventuelle saisine de la CJR, Jean-Louis Nadal a demandé au procureur général de Paris, François Falletti, «de lui adresser tous les éléments utiles» sur la vente de la forêt, de l'hippodrome et du golf de Compiègne (Oise). Cette cession d'un montant de 2,5 millions - une «bouchée de pain», selon Le Canard enchaîné qui a révélé l'information - avait été avalisée par Eric Woerth en mars 2010, quelques jours avant de quitter Bercy.


«Le parquet de Nanterre continue»


Dans l'affaire Woerth-Bettencourt, la réponse des protagonistes n'a pas tardé et Philippe Courroye a semblé opposer une fin de non-recevoir. «Le parquet de Nanterre continue ses investigations notamment sur le volet de trafic d'influence, entamées début juillet, qui ne se sont depuis jamais arrêtées. Il est déjà procédé à des investigations approfondies», a indiqué à l'AFP, une source proche du dossier. «Si à un moment donné, il s'avérait que des éléments donnent matière à une poursuite judiciaire alors, le procureur Courroye déciderait d'une citation directe des personnes mises en cause», a-t-elle ajouté.


«Un désaveu» pour les syndicats




Les syndicats de magistrats ont une lecture totalement différente de l'avis émis par le Procureur général. L'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire) et le Syndicat de la magistrature (SM, 2e syndicat de la profession, classé à gauche), y voient «un désaveu» et «un pavé dans la mare» de Philippe Courroye. Le PS a, de son côté, demandé lundi soir que cette recommandation soit suivie d'effets et réclamé qu'une information judiciaire soit ouverte, ainsi qu'il l'avait déjà fait cet été, tandis que l'ancienne ministre de l'Environnement, Corinne Lepage, s'est réjouit que la justice puisse «fonctionner».


Le procureur de Nanterre a jusqu'ici fait la sourde oreille aux demandes répétées qui lui avaient été faites de saisir un juge d'instruction. La recommandation de Jean-Louis Nadal ne lui est pas directement adressée, elle a été faite au procureur général de Versailles, Philippe Ingall-Montagnier, qui a lui-même autorité sur Philippe Courroye. Cette demande n'est pas comminatoire, Jean-Louis Nadal n'est en effet pas le supérieur hiérarchique du procureur général de Versailles qui peut décider de laisser Philippe Courroye continuer ses enquêtes ou lui demander d'ouvrir une information judiciaire. Si un juge d'instruction devait être saisi, il appartiendrait au président du tribunal de Nanterre de le désigner.


Soupçons d'impartialité


Pourquoi une telle bataille procédurale ? La gauche et certaines parties de cette affaire tentaculaire soupçonnent le parquet de Nanterre de partialité dans un dossier politiquement sensible. Des soupçons que cet ancien juge d'instruction a rejetés.


A ce jour, le procureur Courroye a ouvert trois enquêtes préliminaires: sur les écoutes clandestines chez Liliane Bettencourt, sur un éventuel trafic d'influence et sur des soupçons de blanchiment de fraude fiscale. Les deux dernières sont susceptibles de gêner Eric Woerth, l'ex-trésorier de l'UMP et pourraient donner lieu à l'ouverture d'information judiciaire.


En parallèle, la juge Isabelle Prévost-Desprez, juge d'instruction au tribunal de Nanterre, également chargée d'un volet de l'affaire Bettencourt, peut quant à elle se sentir confortée. Elle enquête sur un éventuel abus de faiblesse du photographe François-Marie Banier sur Lilianne Bettencourt. La magistrate est en conflit avec le procureur Courroye car ce dernier avait refusé de lui transmettre la retranscription des enregistrements réalisés par l'ancien majordome de la milliardaire. Des écoutes révélées à la mi-juin par Mediapart et le Point et jugées suffisamment éclairantes pour qu'Isabelle Prévost-Desprez décide de renvoyer sine-die le procès du photographe qui aurait du avoir lieu le 1er juillet.


«C'est à la justice de s'organiser comme elle souhaite»


«C'est à la justice de s'organiser comme elle le souhaite», a réagi M. Woerth, se refusant à en dire plus «avant les conclusions finales de la justice». «Satisfait» de la non-saisine de la CJR, son avocat s'est déclaré «beaucoup plus réservé» sur une information judiciaire. «Mon souci est qu'on aille vite», a confié à l'AFP Me Jean-Yves Leborgne. «Une enquête préliminaire très dense est en cours depuis trois mois, je n'ai pas envie que l'on reparte à zéro avec un nouvel interlocuteur qui reparte à zéro».
http://www.leparisien.fr/affaire-bettencourt/qui-enquetera-sur-l-affaire-woerth-bettencourt-27-09-2010-1085094.php

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