dimanche 22 février 2015

"On ne tue pas pour un dessin" : épouses et soeurs des frères Kouachi, elles témoignent

Dans son édition datée de samedi, Le Monde publie des extraits des auditions des femmes de la famille des auteurs de l'attaque de Charlie Hebdo. A la police, les quatre jeunes femmes expriment leur incompréhension. "J'ai l'impression que tout cela est irréel", déclare l'une d'elles.
Il a quitté son domicile à 10h30 pour "faire les soldes" avec son frère aîné Saïd. Mais Chérif Kouachi n'est jamais revenu à Gennevilliers. C'est là, dans leur studio, qu'a été interpellée sa femme Izzana. Nous sommes le 7 janvier, à 16h30. Quelques heures après l'attaque des locaux de Charlie Hebdo dans laquelle douze personnes ont été assassinées. "J'ai l'impression que tout cela est irréel. J'ai l'impression que je fais un cauchemar et que je vais finir par me réveiller", explique la jeune femme aux policiers qui pendant 76 heures vont l'interroger dans les locaux du 36 quai des Orfèvres. Comme elle, Soumya, l'épouse de Saïd Kouachi, Aïcha, la sœur des frères Kouachi, et une quatrième femme se présentant comme leur demi-sœur, ont été entendues par les autorités dans les premières heures suivant les attentats. Des auditions dont Le Monde publie des extraits dans son édition de samedi.
C'est à Reims, où elle réside avec Saïd Kouachi, que Soumya est interrogée. "Il m'a dit qu'il rentrerait soit le soir-même, soit le lendemain", raconte-t-elle aux enquêteurs qui lui demandent d'évoquer les dernières heures passées avec son mari, parti rejoindre son frère après avoir été malade toute la journée la veille de la tuerie. "Nous avions tous la gastro à la maison", dit-elle. A Gennevilliers, Chérif Kouachi était lui au lit à 21h parce qu'il avait "mal au ventre". Il sortira pourtant "prendre l'air" un instant après avoir répondu à l'interphone. "Une voisine", dit-il. L'enquête dira par la suite que le téléphone d'Amedy Coulibaly, auteur de la fusillade de Montrouge et de l'Hyper Casher de la Porte de Vincennes, a été repéré à ce moment-là devant l'immeuble.
Chez toutes ces femmes, la même incompréhension domine. Et la même difficulté aussi à raconter sole quotidien, "une intimité cloisonnée d'interdits", précise Le Monde. "Imaginez que la personne avec qui vous vivez, vous réveillez chaque matin, vous rigolez, vous jouez, a pu tuer douze personnes. C'est impossible", affirme Soumya.
"Il a pensé qu'à sa gueule Chérif"
Izzana, qui porte le jilbab, une longue robe qui couvre le corps mais pas le visage, assure elle que "Chérif, tout comme moi", pratiquons un islam tout à fait normal". Elle évoque leurs cinq prières par jour, et leur refus de serrer la main du sexe opposé. L'Etat islamique ? "C'est n'importe quoi", selon elle. Quant à Al-Qaïda, il ne lui inspire que "des morts" et "la peur". Des idées que son mari partageait d'après elle. Aïcha, la sœur des deux hommes âgée de 33 ans, estime elle que ses frères "ont basculé dans une vision sectaire de l'islam". "Ils étaient très racistes envers tous ceux qui n'étaient pas musulmans et arabes", ajoute-t-elle. "Chérif disait que le vide ne pouvait être comblé que par la religion", indique encore une jeune femme de 20 ans qui s'est présentée de manière spontanée à la police comme la demi-sœur des frères Kouachi.
Ce n'est que le lendemain qu'Izzana et Aïcha apprendront la mort des deux hommes, tués par le GIGN. En pleurs. "C'est n'importe quoi, des familles sont en deuil", s'emporte cette dernière. Elle poursuit : "Non, on ne fait pas ça pour un dessin. Non, on ne tue pas pour un dessin, il a pensé qu'à sa gueule Chérif, il m'a appelée trois jours avant, c'est hypocrite. Saïd n'a pas pensé à sa femme", Soumya, handicapée par une sclérose en plaques et désormais seule avec un enfant en bas âge. Avant d'insister sur le fait qu'elle avait vécu "la même vie" que ses soeurs, entre les coups de leur père et la négligence de leur mère. "Mais on s'est toujours serré les coudes".

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