dimanche 11 septembre 2011

"Hollywood n'a pas osé aborder le traumatisme du 11 Septembre"

Face caméra, un pompier en combinaison examine une bouche d'égout. Le soleil jaune d'un petit matin de septembre illumine la rue, le ciel est sans nuages. L'homme soudain se redresse, scrute les airs. La caméra suit son mouvement - devant elle, un avion vient s'encastrer dans la tour nord du World Trade Center. Le 11 septembre 2001, Jules et Gédéon Naudet tournaient, à deux pas des Twin Towers, un reportage sur les pompiers de New York. De cette journée ils garderont un film, 9/11 : un documentaire-exutoire, monté et produit en quelques mois. Dix ans plus tard, leurs images restent imprimées sur toutes les rétines, et continuent de sembler indépassables. Là où, en effet, le 11 Septembre a alimenté une littérature très dense, rares sont les films qui ont osé traiter de manière frontale l'événement. Quelles ont donc été les conséquences directes du drame sur Hollywood ? Le critique et universitaire Michel Cieutat, auteur de plusieurs ouvrages sur le cinéma américain, répond au Point.fr.

Le Point.fr : On sait Hollywood très friand de grands drames nationaux, pourquoi le 11 Septembre a-t-il donné lieu à si peu de films ?

Michel Cieutat : Même s'il l'avait voulu, le cinéma américain n'aurait pu porter immédiatement cet événement à l'écran. Parce qu'il représente un choc national épouvantable, bien sûr. Mais aussi parce qu'il est filmé en direct : on commence par n'avoir que les images du premier impact, puis arrivent les vidéos d'amateurs et le documentaire des frères Naudet qui permettent de reconstituer l'ensemble du drame. Ces images, qui télescopent le pire de ce qu'on aurait pu imaginer, seront montrées des dizaines de fois à la télévision : la fiction est en quelque sorte bloquée par une réalité qui, aujourd'hui encore, reste dans tous les esprits.

Le World Trade Center était emblématique de la puissance américaine, avait-il déjà été mis en scène dans des films catastrophe ?

Je pense surtout au remake de King Kong en 1976 : dans le film original de 1933, le singe se réfugiait au sommet de l'Empire State Building, tout neuf, la plus haute tour des États-Unis à l'époque. En 1976, les tours jumelles viennent d'ouvrir au public, et c'est elles qui sont tout naturellement choisies pour la reprise de cette scène. Avec le même symbole : si le singe parvenait à détruire la tour, il mettrait à bas la ville tout entière ; en le supprimant, c'est la puissance même des États-Unis qu'on renforce. Voir deux avions entrer bel et bien dans ces tours, le 11 septembre 2001, était inimaginable. L'Amérique est sidérée.

Les premiers films inspirés de l'événement n'apparaissent que cinq ans plus tard.

Les deux longs-métrages qui sortent en 2006 sont très différents. Dans Vol 93, tout l'art de Paul Greengrass consiste à battre la réalité sur son propre terrain : il choisit le vol qui garde une connotation positive, où des passagers ont tenté le tout pour le tout pour empêcher leur avion de s'écraser sur la Maison-Blanche, travaille très précisément sur les rapports de l'époque et à partir des enregistreurs de vol... Le résultat est un film que j'estime très honnête, parce que très respectueux, et de la réalité, et du traumatisme.
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