jeudi 10 novembre 2011

Mediator : des médecins entendus par la police

Les policiers qui enquêtent sur le dossier Servier entendent des médecins. Au coeur des auditions, les prescriptions hors autorisation, à savoir celles pour lesquelles le Mediator était prescrit pour maigrir.
C'est un sujet tabou chez les médecins. Depuis quelques semaines, les convocations des praticiens par la police se multiplient. Elles se font dans le cadre de l'instruction judiciaire ouverte à Paris depuis février dernier et qui vise les chefs de tromperie sur la nature du médicament et l'escroquerie à l'assurance maladie et aux mutuelles. Des médecins ont ainsi été entendus à Montpellier, à Amiens ou encore dans le Berry. Particularité de ces professionnels, qu'ils soient généralistes, gynécologues ou encore endocrinologues : avoir , autrement dit pour perdre du poids. Autre particularité : ne pas avoir stipulé sur les ordonnances que ces prescriptions ne devaient du coup, pas être prises en charge par la sécurité sociale en notant la mention « NR » (non remboursé). En effet, seules les prescriptions réalisées dans le cadre des indications, en l'occurrence essentiellement le diabète, étaient remboursées.

Les médecins ne sont pas responsables

De 2000 à 2010, il y a eu environ 200 poursuites de médecins pour «prescriptions sauvages», hors des indications officielles, et 75 condamnations. «Ces médecins ont déjà été traduits par l'assurance maladie devant la section des assurances sociales qui est une chambre rattachée aux chambres disciplinaires», explique le Dr André Deseur du Conseil de l'ordre des médecins qui reconnait qu'au niveau départemental, le Conseil de l'ordre a bien eu des échos de ce type de convocations par la police.
«La convocation de Jacques Servier prévue initialement le 9 novembre a été reportée sine die pour des raisons de procédure , observe le Dr Claude Leicher, le président du premier syndicat de médecins généralistes, MG France. En revanche et alors que c'est son laboratoire qui a fabriqué le Mediator, on convoque des gens qui ont eux, déjà été condamnés par l'assurance maladie». Pour lui comme pour beaucoup d'autres, les choses sont claires : les médecins ne peuvent pas être tenus responsables de quelque chose qu'ils ignoraient, en l'occurence les effets secondaires du Mediator sur le coeur et les poumons. Jamais dans le Vidal, la «bible» des médecins, il n'a été fait mention de ces effets indésirables.

«Il va y avoir des mises en examen de médecins»

«Cette histoire va mal se finir pour les médecins et il va y avoir des mises en examen, s'inquiète M° Fabrice Di Vizio, . Les policiers demandent aux médecins qui sont entendus de présenter les dossiers médicaux de leurs patient. En quoi ces informations viennent-elles servir une instruction concernant Servier ?». Les professionnels qui ont prescrit hors des indications et qui sont convoqués par la police seraient ainsi, selon lui, «victimes d'une double peine».
En réalité, deux hypothèses peuvent expliquer ces convocations des praticiens par la police. La première vise à parier que ces médecins vont faire l'objet de mises en examen dans le cadre de l'instruction judiciaire en cours. La seconde, plus vraisemblable, consiste à dire que les praticiens sont entendus pour faire progresser l'enquête et remonter la chaine des informations concernant le Mediator. S'ils l'ont prescrit comme coupe-faim, c'est qu'ils savaient que le médicament avait des vertus anorexigènes et dans ce cas, comment l'ont-ils su ? Un fin connaisseur du dossier estime que dans les instructions concernant la tromperie, la mise à jour des «dissymétrie de l'information» joue un rôle essentiel.

«La présentation des visiteurs médicaux était insidieuse»

Fait exceptionnel, le Dr Marcel Garrigou-Grandchamp de la FMF confie avoir, au cours de sa carrière, prescrit le médicament de Servier à 80 patientes désireuses de perdre du poids. Mais sur chacune des ordonnance, il a bien stipulé que le Mediator ne devait pas être remboursé. Il n'a donc pas été convoqué par la police. Il se souvient de la façon dont le laboratoire, via ses visiteuses médicales venaient lui vanter le médicament.
«C'est une présentation à la limite, tendancieuse. On ne nous disait pas franchement de le donner pour faire maigrir mais c'était fortement suggéré, explique le Dr Garrigou. Les visiteurs médicaux commencaient par parler de l'action sur les triglycérides, puis au cours de la discussion, ils disaient que ça faisait maigrir. Mais le terme anorexigène n'était jamais prononcé pour ne pas éveiller les soupçons. J'ai aussi entendu des visiteurs médicaux me dire «on n'a pas le droit de vous dire que ça fait maigrir». En 2006, il a cessé toute prescription de Mediator après avoir lu un article dans la revue médicale indépendante faisant état d'effets secondaires.
Après les médecins, à quand la convocation par la police des visiteurs médicaux ?
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2011/11/09/01016-20111109ARTFIG00649-mediator-des-medecins-entendus-par-la-police.php

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