vendredi 7 octobre 2011

Dans Syrte assiégée, une situation "inimaginable"

Ali Dourgham ne peut retenir ses larmes en racontant comment son père a été tué par un obus à Syrte alors qu'il se rendait à la mosquée avec son frère.
"Il est mort dans mes bras. Je l'ai enterré hier."
L'oncle du jeune homme a été admis à l'hôpital Ibn Sina de Syrte qui, selon des témoins, a lui aussi souffert des combats.
"L'hôpital est la cible de tirs d'obus", dit Dourgham, à l'instar d'autres habitants qui fuient la ville. "Il est plein de saletés. Il n'y a que trois médecins pour s'occuper des malades."
Malgré les pilonnages et la pénétration progressive des forces gouvernementales en vue peut-être d'un assaut final, il est résolu à regagner Syrte pour en faire sortir son oncle.
Les récits des témoins qui évacuent la ville natale de Mouammar Kadhafi donnent une idée lugubre de ce qui s'y passe.
"C'est inimaginable, là-bas", déclare à Reuters Massoud Aouidat, qui arrive tout juste de la ville à bord d'une voiture au pare-brise et aux portières criblés d'impacts de balles.
"Cela empire chaque jour. Il n'y a pas de nourriture. On voit des incendies, des appartements sont détruits."
Des habitants terrifiés dorment dans les rues et sous les escaliers, de peur que leur toit s'écroule sur eux la nuit.
Certains évoquent deux familles dont les voitures ont été touchées par des lance-roquettes alors qu'elles tentaient de quitter la ville.
Selon une équipe de la Croix-Rouge parvenue à apporter des fournitures médicales à l'hôpital de Syrte, la ville portuaire est privée d'électricité. Des civils font état de nombreuses rues inondées.
"CE SERA COMME L'A DIT KADHAFI"
Syrte est depuis trois semaines environ l'enjeu d'attaques tous azimuts et de bombardements quasi continus des forces du gouvernement intérimaire et des avions de l'Otan.
Des éléments pro-Kadhafi opposent une résistance acharnée et, selon l'Otan et des civils, recrutent de force des habitants pour les faire combattre à leurs côtés en empêchant de s'en aller beaucoup de ceux qui le voudraient.
"Nous sommes arrivés aux confins de la ville, mais les miliciens nous ont empêchés de partir", dit Aouidat à propos d'une tentative précédente. Il a fini par tromper l'attention des kadhafistes mardi matin.
"Il y a encore des familles prises au piège là où nous habitons", déclare-t-il.
Le Conseil national de transition (CNT) doit trouver un moyen terme entre un siège prolongé qui retarderait son action gouvernementale et une victoire plus rapide mais sanglante qui aggraverait les antagonismes régionaux et le mettrait dans l'embarras, notamment vis-à-vis des pays qui le soutiennent.
Certains civils rapportent que des pro-Kadhafi se cachent dans des zones résidentielles, ce qui fait craindre des combats de rue meurtriers dans un futur proche.
"A Syrte, ce ne sera pas comme à Tripoli", dit le médecin du CNT Machallah Al Zoy, par allusion au dénouement relativement modéré qu'a connu le siège de la capitale.
"Ce sera rue par rue, maison par maison, comme l'a dit (Kadhafi)."
Trois femmes et deux hommes originaires du Tchad et disant vivre à Syrte depuis des années, avançaient mardi sur une route proche de la ville avec neuf enfants aux regards perdus et sans effets personnels.
Lorsqu'on lui a demandé s'il pensait que les réserves de nourriture dureraient un certain temps à Syrte, l'un des hommes a répondu: "Quelle nourriture ?"
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/monde/20111005.REU8611/dans-syrte-assiegee-une-situation-inimaginable.html

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