mardi 28 décembre 2010

Afghanistan : les parents de Stéphane Taponier sortent du silence

Un an après leur enlèvement, les deux journalistes français Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier sont déjà restés bien plus longtemps prisonniers que ne l'ont été d'autres étrangers capturés avant eux en Afghanistan. Une détention d'une durée inusitée qui s'explique tout d'abord par l'instabilité de la zone où ils sont retenus : la partie de la province de Kapisa où les deux journalistes ont été enlevés le 30 décembre 2009 est une zone difficilement contrôlable, enchevêtrement de vallées sous l'influence de divers groupes armées rebelles, notamment talibans et du Hezb-e-Islami, dirigé par le commandant moujahidine historique Gulbuddin Hekmatyar. Les interlocuteurs changent selon qu'on passe d'un village ou d'une vallée à l'autre, ce qui complique d'autant les négociations. En outre, les otages ont donc été enlevés dans une zone dont la sécurité est assurée par les forces françaises, ce qui complique à la fois la tâche des soldats français sur place et les discussions en vue d'une libération. Enfin, plusieurs experts de la rébellion à Kaboul estiment que la prise d'otages aurait peut-être pu être brève, quelques semaines au maximum, s'il avait été possible de trouver un accord rapide avec le groupe taliban local qui les avait capturés. Passé ce délai, selon des sources afghanes, le commandement taliban, pour qui chaque otage occidental est un outil de négociation, a envoyé des émissaires, compliquant encore plus les négociations.


"Les ministres s'avancent un peu trop"


Voilà pourquoi aujourd'hui, les parents de Stéphane Taponier ont choisi de sortir du silence. Ils l'ont fait lors d'un entretien avec un journaliste de l'AFP. Un entretien au cours duquel ils laissent percer leur irritation, leur impatience, et dénoncent l'attitude des autorités françaises. Les négociations en cours ? Ils n'ont pour ainsi dire aucune information à ce sujet. "Lorsque Bernard Kouchner", l'ex-ministre des Affaires étrangères, "était allé à Kaboul, il ne nous avait même pas téléphoné au retour. On n'a rien su, c'est un peu aberrant. Alain Juppé a l'air d'être plus consciencieux", glisse ainsi Gérard Taponier, le père de l'otage. "C'est la DGSE qui s'occupe de ça : c'est motus et bouche cousue. Et quand on est reçu au Quai d'Orsay, c'est très vague. On dirait que nous sommes des numéros". L'espoir d'une libération prochaine entretenu par le gouvernement ? "On est un peu blasés. Et agacés aussi par toutes ces déclarations. On nous a tellement raconté d'histoires jusqu'à maintenant... M. Juppé a dit qu'il était confiant, mais sans donner de dates. Il est optimiste, mais cela fait presque un an qu'ils sont otages (...) Les ministres s'avancent un peu trop. Quand Alliot-Marie parle de brefs délais, on se dit que c'est imminent; et puis Noël est déjà passé... On espère toujours une bonne nouvelle, mais ça fout le cafard".


Même sur les conditions de détention, les informations sont parcellaires. "Depuis le début, ils disent qu'ils sont vivants et en bonne santé. Pour le reste, on ne sait pas, tout est secret défense", note encore aigrement Gérard Taponier. Quant à en savoir davantage de la part du gouvernement, il laisse percer ses doutes : "S'ils nous disent de choses concrètes, volontiers. Mais si c'est pour nous dire qu'ils sont en bonne santé, ce n'est pas la peine..." Arlette Taponier, la mère de l'otage, renchérit : "C'est l'attente. On espérait une libération en septembre, puis à Noël... C'est toujours reporté. Je préfèrerais qu'ils ne disent rien".


"Ça nous a fichu un sacré coup"


Ont-ils l'impression que les autorités ont fait de leur mieux pour obtenir la libération des otages ? Pas vraiment. "C'est parti doucement, doucement... Il a fallu quatre-cinq mois pour que cela commence à bouger", estime Gérard Taponier. Les parents de l'otage n'ont pas non plus oublié les déclarations polémiques faites peu après le rapt, lorsqu'il avait été reproché aux journalistes d'avoir agi avec imprudence : "Il y a eu Claude Guéant, le général Jean-Louis Georgelin... Ce n'était pas très intelligent de leur part. Ça nous a fichu un sacré coup", résume Gérard Taponier. Aussitôt repris par Arlette Taponier : "Mais il ne faut plus en parler maintenant. C'est fini".


En l'absence d'information, les parents de Stéphane Taponier se raccrochent à tout ce qui, dans les médias, évoque la situation des otages : "Je suis obsédée par tout ce qui est écrit, j'achète tout, et je regarde tous les journaux télévisés. Mais c'est pénible en fin de compte, car cela me ressasse tout le temps la même chose", raconte Arlette Taponier. Et ils comptent sur le mouvement de soutien qui s'est développé dans toute la France : "Ça fait du bien, reconnaît Gérard Taponier, d'autant qu'il y a Florence Aubenas, une personne très sympathique, qui est passée par là et nous aide énormément. Chez nous, toutes les mairies alentour à notre petit village ont affiché le panneau (de soutien). Ils ont marché à fond tout de suite, sans qu'on leur demande".


http://lci.tf1.fr/monde/asie/2010-12/afghanistan-les-parents-de-stephane-taponier-sortent-du-silence-6199168.html

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