lundi 2 août 2010

Huis clos dans le cabinet d'un juge aux affaires familiales

Le visage livide et les larmes rentrées, Rosana explique timidement au juge que sa fille de 16 ans est traumatisée après chaque rencontre avec son père dont elle est divorcée depuis trois ans. Son seul et unique souhait affiché, c'est de rétablir le dialogue père/fille, un dialogue serein et détaché du conflit mère/père. Son ex l'écoute froidement. La tension est à son comble dans le cabinet du juge, pourtant baigné d'un doux rayon de soleil. L'adolescente sera entendue par la psychologue du service, une pratique exclusivement parisienne.

La psychologue recevra ensuite ses parents et son rapport oral sera lu au magistrat lors d'une audience ultérieure. "L'audition de l'enfant est utile car elle fait souvent passer un message important, souligne Nicole Choubrac, surtout lorsque le refus de l'enfant de voir son père tient au fait qu'il se sent délaissé en présence de nouveaux enfants." La magistrate s'efforce alors de rétablir le dialogue de manière progressive.

Une affaire de gros sous

Dans le cabinet de Nicole Choubrac, un autre couple fait son entrée. Leur conflit porte, avant les enfants, sur une question sensible : l'argent. Madame a travaillé avec son mari qui l'a licenciée au bout de 12 ans. Puis s'est séparé d'elle. Ou elle de lui. Pourquoi ? On le saura plus tard, dans la litanie des fautes qu'elle ou lui entend sermonner. Pour l'heure, il faut faire les comptes et assurer à Madame un train de vie provisoire décent par rapport à ce qu'elle a connu pendant 15 ans. Elle a déjà la jouissance gratuite du domicile commun de 100 mètres carrés dans le 7e arrondissement parisien, les 3.000 euros des Assedic et demande une pension alimentaire et 3.000 euros au titre du devoir de secours. Pour cela, son avocate a préparé un dossier de 15 centimètres d'épaisseur, c'est beaucoup trop peu ! Elle égrène poste par poste les revenus astronomiques du mari, le nombre et la marque de ses voitures de luxe et le montant de ses actions boursières.

De l'autre côté de la barre, l'avocate tout aussi rompue à l'exercice que sa consoeur répond : "Si votre cliente était à ce point dans le besoin, elle n'emmènerait pas les enfants pendant 15 jours à Dubaï dans un 5 étoiles avec les enfants ! Elle aurait pu se contenter de vacances dans la Creuse..." Cela promet.

"L'avocate de la femme multipliera sans doute les incidents de procédure pour bénéficier le plus longtemps possible du domicile conjugal et de sommes confortables auxquelles elle a droit au titre du devoir de secours", présume Nicole Choubrac. D'ailleurs, l'avocate de la femme aux cernes bien apparentes n'hésite pas à revenir sur l'écart des destins entre sa cliente, licenciée par son mari dont elle était l'employée pendant 15 ans, et ce dernier, menant un train de vie à la James Bond... au point de payer une amende pour éviter de publier ses comptes. "Chanel ne publie pas non plus ses comptes ! justifie son avocate, mon client ne souhaite pas que ses concurrents connaissent ses clients." Une stratégie qui devrait s'avérer payante au moment du divorce.
http://www.lepoint.fr/chroniqueurs-du-point/laurence-neuer/huis-clos-dans-le-cabinet-d-un-juge-aux-affaires-familiales-30-06-2010-471860_56.php

Aucun commentaire: