mardi 25 janvier 2011

L'affaire Boulin: un crime d'Etat?

C’est l’une des affaires les plus troubles de la Ve République, sous le règne de Valéry Giscard d’Estaing : en ­octobre 1979, le corps du ministre ­Robert ­Boulin est retrouvé dans un étang de la forêt de Rambouillet. Avant la moindre autopsie, les autorités françaises rendent publique la thèse du suicide. Sa fille, ­Fabienne, lutte depuis trente et un ans pour faire éclater la ­vérité : son père, pris dans un scandale, aurait fait peur tant on craignait son intégrité ! Elle publie l’histoire de son ­combat : « Le dormeur du val » (Don Quichotte éditions). Match fait le point sur cette étrange affaire où la justice et la presse n’ont jamais pu faire leur travail sereinement.


Le 29 octobre 1979 au soir, la famille s’inquiète de la disparition de Robert Boulin, ministre du Travail et de la Participation du gouvernement Barre, sous la présidence de Giscard d’Estaing. Vers 23 h 30 elle alerte les permanenciers du ministère de l’Intérieur et de Matignon. Le corps du ministre sera retrouvé le lendemain matin, dans un étang de la forêt de Rambouillet, à des heures variant selon les protagonistes. Vers 9 heures, selon la thèse officielle que diffuse, à 9 h 34, une dépêche de l’AFP ; vers 2 heures du matin, pour au moins six personnes, dont le Premier ministre Raymond Barre, son ministre de l’Intérieur Christian Bonnet, ou Louis-Bruno Chalret (procureur ­général de Versailles).


Sans attendre que l’autopsie du ministre ait commencé à l’institut médico-légal de Paris, la plupart des radios puis les journaux télévisés de 13 heures martèlent aussitôt la version ­officielle du suicide : Robert Boulin aurait avalé des barbituriques avant d’aller se noyer dans 50 centimètres d’eau et de vase, dans un étang de la forêt de Rambouillet.


La thèse du suicide invraisemblable
Malgré les dysfonctionnements avérés des instances policières et judiciaires sur ce dossier, et plus de trente ans d’omerta des responsables au pouvoir, la famille de Robert Boulin soutient l’invraisemblance de la thèse du ­suicide, et rassemble suffisamment d’éléments de preuves pour porter plainte contre X pour homicide en 1983. Le 20 septembre 1991, après avoir étudié un dossier d’environ 7 000 pages en neuf jours, la juge Laurence Vichnievsky prononce un non-lieu sur « l’affaire ­Boulin ».


Depuis lors, aidés dans leurs investigations par des journalistes grands reporters, la veuve et les enfants de Robert Boulin ont requis deux fois, éléments nouveaux à l’appui, la réouverture du dossier : leur requête est systématiquement rejetée par le procureur. Fabienne Boulin publie aujourd’hui « Le dormeur du val », un récit fascinant sur ses trente années d’enquête et de combat pour la vérité, une démonstration troublante de l’assassinat de son père, et du camouflage de ce crime par les plus hautes instances de notre pays.


Fabienne Boulin réclame
la réouverture du dossier
Dans le même temps, représentée par son avocat Me Olivier Morice, elle a porté plainte le 23 décembre 2010 contre l’Etat français, auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, pour manque d’indépendance de sa justice : les procureurs, choisis par le garde des Sceaux, sont seuls habilités à rouvrir ou non une instruction, sans possibilité de recours pour la partie ­civile. Fabienne Boulin réclame de ­nouveau la nomination d’un juge d’instruction et la réouverture du « dossier Boulin », avec une demande de recherche d’ADN (selon la jurisprudence de 2008 dite « Grégory ») et l’audition de plusieurs témoins cruciaux.


http://www.parismatch.com/Actu-Match/Politique/Actu/Robert-Boulin-Chirac-Sac-Pasqua-Giscard-d-Estaing-244481

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