dimanche 26 juin 2011

Afghanistan, pas d'autre option que la retraite

Il faut savoir terminer une guerre, quand bien même on ne l'aurait pas déclarée. Ni Barack Obama ni Nicolas Sarkozy n'ont décidé de celle-là. En 2001, ce sont leurs deux prédécesseurs - George W. Bush et Jacques Chirac - qui avaient opté, tout comme leur homologue britannique Tony Blair et bien d'autres, pour l'envoi de troupes en Afghanistan. Personne, à l'époque, n'a contesté ce choix fait dans les semaines ayant suivi les attentats du 11 Septembre, alors qu'il s'agissait de chasser de Kaboul les talibans protecteurs du terroriste Oussama Ben Laden.
Au début de l'année 2007, les Français étaient toujours au nombre de 1 000 sur le sol afghan. Alors en campagne électorale, Nicolas Sarkozy s'était montré plus que prudent sur cet engagement : "Il était certainement utile qu'on les envoie dans la mesure où il y avait un combat contre le terrorisme, mais la présence à long terme des troupes françaises à cet endroit du monde ne me semble pas décisive", déclarait-il le 26 avril 2007, avant d'ajouter : "Il fallait faire un certain nombre de choix, et d'ailleurs le président de la République [Jacques Chirac] a pris la décision de rapatrier nos forces spéciales et un certain nombre d'éléments. C'est une politique que je poursuivrai." Propos de campagne électorale. Car la dégradation constante de la situation sur le terrain a imposé a contrario qu'il renforce les troupes dès son arrivée à l'Élysée. Fin 2007, les soldats français sont 1 600 en Afghanistan. Ce nombre a pratiquement doublé un an plus tard, avant de passer, au gré de renforcements réguliers et de missions accrues, à près de 4 000 hommes aujourd'hui.
La situation se dégrade de jour en jour
En 2009, Barack Obama a fait passer le nombre des soldats américains de 70 000 à près de 100 000. Nicolas Sarkozy dit, en août 2010, que notre pays "restera engagé en Afghanistan, avec ses alliés, aussi longtemps que nécessaire et aussi longtemps que le souhaitera le peuple afghan". Mais déjà, le retrait s'annonce. Le ministre de la Défense Hervé Morin précise dès octobre 2010 que les premiers retraits pourraient avoir lieu en 2011, déclaration conforme aux décisions, le mois suivant, du sommet de l'Otan à Lisbonne au cours duquel l'organisation annonce : "Les Afghans se sont donné pour objectif de prendre en main leur sécurité d'ici à la fin de l'année 2014. Nous soutenons cet objectif." Traduction : la situation s'améliore, les Afghans du président Hamid Karzai sont parfaitement capables d'organiser la sécurité du pays, nous n'avons plus rien à y faire. Sauf que c'est faux...
Personne, et surtout pas les dirigeants occidentaux, n'ignore que la situation sécuritaire se dégrade de jour en jour. En cet été 2011, les attaques s'intensifient, les pertes de militaires occidentaux et de civils afghans s'accroissent, les insurgés sont présents sur tout le territoire et l'appareil de sécurité afghan (armée et police) ne contrôle - et encore ! - que la région de Kaboul. Malgré les milliards d'euros qu'il a engloutis, cet édifice instable est près de s'effondrer. Dès que le signal de départ donné par les Occidentaux se traduira par une présence amoindrie sur le terrain, l'Afghanistan renouera avec ses vieux démons et sombrera dans une forme ou une autre de guerre civile, que les talibans remporteront. Ni Obama ni Sarkozy n'avaient le choix, il leur fallait donner le signal de départ. Le processus de retrait qui s'engage aujourd'hui durera encore quatre ou cinq ans, à moins qu'il ne doive s'accélérer. Lorsque le dernier des soldats de l'Isaf quittera le sol afghan, en laissant derrière lui 2 000 Occidentaux et 20 000 Afghans morts, il sera en droit de se poser cette question : tout ça pour ça ?
http://www.lepoint.fr/chroniqueurs-du-point/jean-guisnel/afghanistan-pas-d-autre-option-que-la-retraite-24-06-2011-1345578_53.php

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