samedi 11 juin 2011

Syrie : l'armée étouffe Jisr al-Choughour

La répression de dizaines de milliers de manifestants a encore fait vendredi au moins vingt-deux morts.
Après Deraa, Baniyas et d'autres villes rebelles, Jisr al-Choughour s'attendait vendredi soir à subir l'assaut de l'armée syrienne. Plusieurs dizaines de chars étaient postés à la périphérie de cette cité de 50.000 habitants au nord du pays, quasiment désertée, après une semaine de révolte contre le régime de Bachar el-Assad.
Aux premières heures de la journée, les militaires avaient commencé par bombarder des villages alentour, tandis que d'autres mettaient le feu à des champs de blé pour y débusquer des «militants armés», selon Damas.
Ces derniers jours, plus d'un millier d'habitants de Jisr al-Choughour se sont réfugiés en Turquie. «À l'appel des habitants, des unités de l'armée ont commencé leur mission», affirmait vendredi matin la télévision syrienne, qui accuse des «groupes armés» d'avoir mis le feu à des écoles. Mais la propagande officielle ne convainc pas grand monde, à l'intérieur comme hors des frontières d'un pays, dont des dizaines de milliers d'habitants manifestent régulièrement depuis plus de trois mois contre le régime du président Bachar el-Assad, qui reste sourd à tous les appels internationaux pour engager des réformes et cesser une répression, qui a déjà tué plus de 1100 personnes.

Assad lâché par la Turquie

Comme tous les vendredis depuis mi-mars, de nombreuses manifestations ont été organisées vendredi, à l'issue de la prière hebdomadaire, pour réclamer la chute du régime bassiste. À Bosra al-Harir, près de Deraa, le berceau de la contestation dans le Sud, deux civils ont été tués «par des balles tirées depuis une voiture militaire», a indiqué Rami Abdel Rahmane, responsable de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme. Selon la télévision d'État, des «hommes armés» avaient ouvert le feu sur des membres des forces de l'ordre. Lundi déjà, des officiels syriens avaient accusé des «gangs armés» d'être responsables de la mort de 120 policiers à Jisr al-Choughour. Mais selon des témoignages recueillis auprès de réfugiés passés en Turquie, des militaires ont été exécutés parce qu'ils refusaient de tirer sur les manifestants, comme l'avaient fait en début d'année les troupes égyptiennes et tunisiennes. Les mutineries au sein de l'armée syrienne nourrissent l'espoir de nombreux opposants, mais jusqu'à présent, les actes d'insubordination ont été relativement rares.
Pour manifester leur soutien à Jisr al-Choughour, des milliers de personnes sont également descendues dans les rues de Daël, dans la province de Deraa, et dans trois localités kurdes du Nord-Est. Des manifestations ont également eu lieu à Homs, la troisième ville du pays, et à Hama, où les forces de l'ordre ne sont pas intervenues, une semaine après avoir tué 60 civils. Jeudi, le chef de la sécurité militaire de Hama avait été arrêté, ainsi que 20 autres officiers. La vague de contestation a également touché le gouvernorat d'Idleb où 11 personnes ont été tuées par les forces de sécurité lors d'une grande manifestation à Maaret al-Nouman. Six ont péri à Lattaquieh. Des milliers de personnes ont encore protesté à Midane, un quartier de Damas, et dans des localités proches, comme Harasta et Barzé. Au moins trois manifestants ont été tués dans le quartier de Qaboun, limitrophe de la capitale.
Face à l'aggravation de la situation, le premier ministre turc, Recep Erdogan, qui s'était jusqu'à présent abstenu de critiquer Damas, a durci le ton, accusant son voisin de «barbarie». Bachar el-Assad «sous-estime la situation», a ajouté Erdogan. Dans ce contexte, la Turquie «ne peut pas continuer» à défendre la Syrie. De son côté, le président du Comité international de la Croix-Rouge, Jakob Kellenberger, a demandé au régime syrien «un accès immédiat» aux zones touchées par la violence, se disant prêt à se rendre «personnellement» à Damas
http://www.lefigaro.fr/international/2011/06/10/01003-20110610ARTFIG00704-syrie-l-armee-etouffe-jisr-al-choughour.php

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