samedi 23 octobre 2010

AFFAIRE BETTENCOURT - Une guerre de magistrats fait rage à Nanterre

Une guerre entre magistrats jette le doute sur l'avenir des enquêtes concernant l'héritière de L'Oréal Liliane Bettencourt, au centre d'un conflit familial devenu scandale politique pour la majorité et Nicolas Sarkozy. Dans un communiqué diffusé vendredi soir, le parquet général de Versailles a annoncé qu'il demandait le dessaisissement de la juge de Nanterre (Hauts-de-Seine) Isabelle Prévost-Desprez qui enquête sur un présumé abus de faiblesse concernant la milliardaire. Le procureur général, Philippe Ingall-Montagnier, va plus loin dans un entretien publié samedi par le Journal du dimanche.




Il envisage de transférer à une autre juridiction les autres enquêtes conduites par le procureur de Nanterre, Philippe Courroye. Elles concernent la fraude fiscale admise par la milliardaire, un éventuel financement illégal de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 et de possibles délits commis par l'actuel ministre UMP du Travail, Éric Woerth. "Dans le climat actuel, l'image et la sérénité de la justice ne sont plus lisibles au tribunal de Nanterre. Je vais donc saisir la chambre criminelle de la Cour de cassation pour lui demander de se prononcer sur un éventuel dépaysement de tous ces dossiers Bettencourt", dit Philippe Ingall-Montagnier.




La Cour de cassation, plus haute juridiction du pays, tranchera dans un délai qui n'est pas connu. Liliane Bettencourt, 87 ans, 17e fortune mondiale évaluée à 17 milliards d'euros, souffre d'une maladie neurologique qui en a fait le jouet de son entourage, soutient sa fille Françoise Meyers. La milliardaire le conteste, refuse toute expertise médicale et poursuit sa fille pour "violences morales".


Le procureur Courroye sur la sellette


L'affaire a été relancée au printemps dernier par des enregistrements clandestins réalisés par un employé. Isabelle Prévost-Desprez, présidente du tribunal de Nanterre saisie par une plainte de Françoise Meyers en 2009, enquête en premier lieu sur le photographe François-Marie Banier, qui a reçu plus d'un milliard d'euros de dons de Liliane Bettencourt entre 2002 et 2007. La magistrate entend cependant à étendre ses investigations à tout l'entourage de la milliardaire. L'enquête a exploré des aspects plus politiques de l'affaire. Elle a ainsi entendu l'ex-comptable de Liliane Bettencourt Claire Thibout, qui affirme que le couple Bettencourt remettait usuellement de l'argent en liquide à des dirigeants politiques, et parlé du financement illicite de la campagne Sarkozy.




La procédure visant au dessaisissement de la juge Prévost-Desprez a été lancée en septembre par le procureur de Nanterre, Philippe Courroye. Ce magistrat, qui revendique son amitié avec Nicolas Sarkozy, est lié également par son statut au ministère de la Justice. Il refuse de poursuivre l'abus de faiblesse présumé. Après une plainte de Me Georges Kiejman, avocat de Liliane Bettencourt, visant un article du journal Le Monde publié sur Internet le 1er septembre, le jour d'une perquisition chez Liliane Bettencourt, le procureur a ouvert une enquête. La police, point délicat, a examiné les relevés de communications téléphoniques de deux journalistes du Monde, Jacques Follorou et Gérard Davet, et mis en évidence l'échange de textos entre eux et Isabelle Prévost-Desprez. Ces investigations sur la presse pourraient être illégales, le secret des sources des journalistes étant protégé par la loi. De plus, le procureur doit légalement demander l'autorisation des journalistes pour examiner leurs appels.
Le Monde a annoncé, vendredi soir, qu'il porterait plainte. Le principal syndicat de magistrats proteste aussi. "Il s'agit d'une manipulation visant à empêcher Isabelle Prévost-Desprez d'enquêter", a dit Christophe Régnard, président de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire). Déjà l'été dernier, une autre enquête du contre-espionnage avait abouti à identifier une autre source du Monde, David Sénat, un magistrat en poste au ministère de la Justice. Il a été limogé et le contre-espionnage refuse depuis de s'expliquer auprès de la justice sur cette enquête.


http://www.lepoint.fr/societe/affaire-bettencourt-une-guerre-de-magistrats-fait-rage-a-nanterre-23-10-2010-1253447_23.php

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