dimanche 17 octobre 2010

Bettencourt: La mère envisage de déshériter la fille

L'escalade continue entre les deux camps de l’affaire Bettencourt. Bloc contre bloc. Domestiques contre domestiques. Médecin contre médecin. Avocat contre avocat… D’un côté, la mère, et de l’autre, la fille. Samedi, une semaine après la troisième demande de mise sous tutelle initiée par Françoise Meyers, Liliane Bettencourt, par la bouche d’un de ses avocats, Me Pascal Wilhelm, a annoncé son intention de déposer plainte contre sa fille pour "violence morale", et menace aujourd’hui de la déshériter. Me Georges Kiejman, l’autre avocat de Liliane Bettencourt, annonce au JDD que sa cliente "refusera de répondre aux questions de la juge Prévost-Desprez". "Elle lui dira 'non' sèchement, parce que, en tant que partie civile, elle n’a rien à lui dire."


Soupçonné par la juge de Nanterre de dissimuler des pièces médicales, Me Kiejman dénonce une enquête à charge et tempête contre un "acharnement". En accusation, le camp de Françoise Meyers, emmené par Me Olivier Metzner qui, samedi, a qualifié cette plainte de "gadget de communication". "Comment peut-on commettre des violences morales envers une personne qu’on ne peut pas voir? Cela montre le désarroi complet dans lequel se trouve la défense de Liliane Bettencourt! Sa fille a raison de vouloir la protéger", a-t-il estimé sur Europe 1. Chez Liliane Bettencourt, on assure que la porte de la maison de Neuilly a toujours été ouverte…


"Comment dater l’abus de faiblesse?"
Un pur dialogue de sourds. Jusqu’où ira ce bras de fer à plusieurs milliards d’euros? Saisie du cas Banier et de l’enquête pour abus de faiblesse, la juge Prévost-Desprez a fait entendre depuis l’été une cinquantaine de témoins. Selon nos sources, vingt-six employés ou anciens employés de la maison Bettencourt ont défilé devant les enquêteurs: femmes de chambre, infirmières, maître d’hôtel, cuisinier, repasseuses, chauffeurs, gardes du corps, tous ont été entendus. Là encore, deux camps. Onze anciens employés affirment aux enquêteurs que Liliane Bettencourt n’a plus toute sa tête et dénoncent l’emprise de François-Marie Banier. En face, la juge dispose de quinze témoignages d’employés actuels ou d’anciens employés de la milliardaire. Ceux-là, au contraire, assurent que Liliane Bettencourt, 88 ans, a des moments d’absence dus à son âge, mais bien toute sa tête.


Dans ce maelström, un ancien maître d’hôtel, Xavier B., a développé devant la police une thèse médiane. "Quand je suis arrivé dans la maison, en 1993, Mme Bettencourt était très fragile, elle avait eu un accident et elle avait eu les jambes cassées. Après, son état s’est beaucoup amélioré. C’est une battante. Elle a marché, nagé, elle s’est battue pour retrouver une bonne santé. A cette époque, en 1995-1996, M. Banier était présent… il la faisait rire, la motivait, il l’avait sortie de sa bulle protocolaire. Il la rendait heureuse tout simplement", commente l’ancien employé sur procès-verbal, en date du 27 juillet dernier. "Mme Bettencourt était en bonne forme, pour moi, jusqu’au choc de septembre 2006. Nous l’avions quittée fin juillet en bonne forme et on l’a retrouvée en septembre, suite à la fracture de l’épaule de son mari, vieillie de vingt ans. Ce n’était plus la même personne".


Xavier B. se souvient d’avoir, un jour, retrouvé sa patronne "recroquevillée sur son lit". "Là, elle a eu une période où elle était très faible, fin 2006-début 2007. On nous a fait comprendre qu’il fallait la laisser tranquille et faire attention à son hydratation. Mme Bettencourt avait alors certains moments où elle pouvait avoir des absences, elle oubliait des choses, elle confondait des choses, mais ce n’était pas permanent." Un témoignage, qui valide "les moments d’absence", mais qui les situe et les limite dans le temps. "Le jour de mon départ [juillet 2007], elle était très lucide", ajoute Xavier B. devant les policiers.


Comment la juge Prévost- Desprez tranchera-t-elle entre tous ces récits? "C’est tout le problème de l’abus de faiblesse, confie un juriste. Comment le dater?" Dans le cas Banier, les quatre donations d’assurance-vie à son profit, pour un montant estimé à 600 millions d’euros, ont été effectuées en 1997, 1998, 1999 et 2002. "Qui pourrait jamais dire qu’à cette époque Mme Bettencourt n’avait pas toute sa tête?", interroge Me Pierre Cornut- Gentille, l’avocat de Banier. Pour lui, les donations à son client postérieures à 2006 "en tableau et liquidités sont de l’ordre de 20 millions d’euros, auxquels il faut rajouter 83 millions d’euros, représentant le rachat d’un des contrats d’assurance-vie".


"Avec les Meyers, nous n’avons pas les mêmes soucis"
Dans cette logique, les sommes en éventuelle discussion, concernant Banier, pour la période après 2006, se chiffreraient autour de 100 millions d’euros. Cet été, dans un souci d’apaisement avec sa fille, Liliane Bettencourt a rayé Banier de son testament, et a mis de l’ordre dans ses affaires pour, notamment, récupérer l’île d’Arros. Insuffisant pour calmer le jeu. "Ma cliente est prête à retirer sa plainte à une condition: qu’il n’y ait plus de prédateurs autour de Liliane Bettencourt", prévenait Me Metzner dans Le Parisien de samedi. "Pourtant, la fille est déjà gagnante… Elle a réussi à chasser Banier de chez sa mère", confie-t-on dans l’entourage de la milliardaire. "Liliane Bettencourt ne comprend plus du tout sa fille", ajoute Me Wilhelm, qui annonce une possible action en révocation de l’héritage.


Reste une autre hypothèse, expliquant cette escalade. Celle d’une volonté de vendre L’Oréal à Nestlé, une fois Liliane Bettencourt mise sous tutelle… Cette hypothèse, Françoise Meyers l’a déjà démentie avec constance. Pourtant, dans les lettres de Liliane Bettencourt à son notaire, figure un courrier prémonitoire, daté du 26 juin 1999! Une période où personne ne peut douter de l’état de santé de sa signataire. "A lire à l’ouverture de mon testament", commence la milliardaire. "M. Owen Jones m’a dit la semaine dernière qu’il avait essayé de savoir quels étaient les projets de M. J.-P. Meyers [le mari de Françoise Meyers] en dînant avec lui un soir et qu’il s’était aperçu qu’il n’en avait aucun. Il attendait seulement le jour de ma mort pour vendre L’Oréal… M. J.-P. Meyers lui a fait comprendre qu’évidemment il préférerait que ce soit moi qui vende, étant mieux placée… J’en ai parlé à mon mari [André Bettencourt] qui m’a dit qu’évidemment il était en attente… cela fait seize ans qu’il [Jean-Pierre Meyers] est en attente. D’où l’émoi, je crois qu’ils craignent d’attendre longtemps. Mon mari m’a dit 'tu es en bonne santé mais tu peux aussi devenir gâteuse', 'c’est évident', ai-je répondu, mais je n’y avais pas pensé. Ceci pour vous dire qu’avec les Meyers nous n’avons pas les mêmes soucis […]"


Ce courrier, vieux de onze ans, en dit long à lui tout seul sur l’ancienneté du conflit entre la mère et le couple Meyers. Un peu plus loin dans cette même lettre, Liliane Bettencourt écrit en 1999, en parlant de sa fille: "ce côté étriqué m’a tuée". Des lignes qui, onze ans plus tard, n’ont pris aucune ride.


http://www.lejdd.fr/Societe/Justice/Actualite/Bettencourt-La-mere-envisage-de-desheriter-la-fille-227453

Aucun commentaire: