dimanche 22 mai 2011

Côte d'Ivoire. Un pays à reconstruire

L'investiture d'Alassane Ouattara à la tête de la Côte d'Ivoire, hier, est l'épilogue d'une crise meurtrière qui a détruit des pans entiers de l'économie. Le nouveau chef de l'État est face à deux impératifs majeurs: restaurer rapidement l'unité nationale et relancer une activité économique exsangue.
Après avoir été une ville fantôme, Abidjan reprend lentement son souffle en cette fin de mois de mai. Les engins d'entreprises de travaux publics ont déblayé les déchets provoqués par les pillages et l'accumulation d'ordures ménagères. Régulièrement, sont découverts charniers et fosses communes, pendant que le nouveau président se dit vouloir « réconcilier toutes les populations ». Dans un discours à Ouagadougou, il positionne cet enjeu en « première priorité » : « La première priorité est d`arriver à réconcilier les Ivoiriens, à rassembler, à faire en sorte que toutes les populations qui vivent en Côte d`Ivoire le fassent de manière paisible ». Dans le processus de reconstruction du pays, certains dossiers sont « brûlants », selon Mabri Toikeusse, ministre du Plan et du développement. Ils concernent aussi bien les relations avec les partenaires au développement que la politique intérieure de reconstruction et de développement en général. Le ministre a demandé à ses collaborateurs de se rendre disponibles, et de « jouer les notes adéquates » au service de l'Etat et de la population. « Faites preuve de disponibilité et de cohésion. Nous, cadres, devons donner l'exemple de la réconciliation, et travailler avec plus d'engagement. Le ministère du Plan et du développement est au coeur de la reconstruction. C'est nous qui devons indiquer la voie à suivre pour relever le défi ».

Une administration paralysée

C'est le 3 mai que le travail a repris, dans le public comme dans le privé. En théorie, pour bon nombre de fonctionnaires : dans le quartier des administrations, trois tours sur cinq ont été pillées... Pourtant, le ministre de la Fonction publique, Gnamien Konan, déclare que « la priorité des priorités est la présence au travail », avant d'ajouter que « de tout temps, on a accusé la fonction publique de laxisme. Il faut que les fonctionnaires viennent au travail pour montrer qu'ils ont changé. Il faut aussi que le service public soit gratuit et que la corruption cesse ».

800 compagnies européennes aux abois

Quant aux entreprises, la plupart avaient dû interrompre leur activité du fait de la fermeture du circuit bancaire. Le blocus du trafic maritime et les pillages perpétrés durant les derniers jours du conflit ont encore aggravé la situation financière d'une partie d'entre elles, lorsqu'elles n'ont pas été entièrement détruites. Les 800 compagnies françaises et européennes - dont plus de 700 sont des PME indépendantes, représentant plus de 60.000emplois- sont presque toutes en insuffisance de trésorerie ou en cessation de paiement. Ces entrepreneurs se posent tous la question de savoir quelles mesures d'accompagnement la France ou l'Europe vont proposer pour leur redémarrage, voire leur survie. A ce jour, le redémarrage de ce secteur privé reste lent. Les compagnies d'électricité et de distribution d'eau ont fait appel à l'Onuci et aux forces françaises (Licorne) pour protéger leurs équipes et remettre leur réseau en service. Sitarail (groupe Bolloré) doit procéder au nettoyage des voies de chemin de fer avant le redémarrage de la ligne Abidjan-Ouagadougou. De novembre 2010 à avril 2011, selon le secteur d'activité, les baisses de chiffre d'affaires se sont échelonnées entre 50 et 100%.

Mesures fiscales d'urgence

Dans l'urgence, certaines mesures fiscales ont été décidées : dispense de l'achat de vignette automobile cette année, gratuité des transports publics jusqu'au 18 juin... Par ailleurs, un fond de 70 millions d'euros a été débloqué par le gouvernement dans le but de renforcer le système de santé, l'hydraulique villageoise et l'éducation. Sur ce dernier point, pour éviter une année blanche dans la zone nord de la Côte d'Ivoire - et peut-être dans une partie du sud, où les élèves ont perdu trois mois de cours - la date des vacances d'été est décalée au 26 août. Les examens du bac auront lieu de septembre à octobre. En revanche, les universités de Cocody et d'Abobo-Adjamé ainsi que les résidences universitaires d'Abidjan sont entièrement fermées dans le but d'être réhabilitées, et aucune date d'ouverture n'est encore annoncée.

Vers un retour à la normale ?

Aujourd'hui, les forces de maintien de la paix sont toujours présentes dans le pays, selon la volonté de l'ONU. Les violences qui ont secoué le pays durant le conflit semblent enfin connaître une accalmie, y compris à Youpougon, l'ancien bastion des miliciens. La vie revient peu à peu. Sur le plan de la politique régionale, le nouveau président Ouattara s'attache à recréer l'axe Dakar-Abidjan-Ouagadougou grâce à deux visites officielles. Son investiture en grande pompe, hier, est estimée à plus de trois millions d'euros. Une somme considérable lorsque l'on connaît l'état de l'économie ivoirienne et au regard des milliers de civils qui sont morts ces quatre derniers mois, victimes des exactions commises autour de cette élection. Un constat dramatique qui doit inciter à la modération et au sens de la responsabilité de la part de dirigeants d'un pays dont la population a déjà payé un trop lourd tribut aux rivalités politiques.

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