vendredi 27 mai 2011

La Russie fera-t-elle partir Kadhafi ?

Le régime libyen a essuyé vendredi un sérieux revers avec la décision de la Russie d'appeler au départ du colonel Mouammar Kadhafi. Rompant avec l'attitude jusqu'alors hostile de son pays envers "l'ingérence" étrangère en Libye, le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov, a jugé à Deauville, où s'était réuni le sommet du G8, que Mouammar Kadhafi devait quitter le pouvoir. "Oui, nous sommes prêts à l'admettre... il doit partir", a-t-il déclaré à la presse.
La Russie s'était abstenue lors du vote à l'ONU de la résolution 1973 autorisant des frappes internationales contre Tripoli. Elle refusait obstinément de soutenir les appels, émanant notamment des Etats-Unis et de la France, au départ de Mouammar Kadhafi. Mais vendredi, Moscou a finalement accepté de signer une déclaration finale du G8 disant clairement : "Kadhafi et le gouvernement libyen ne sont pas parvenus à assumer leur responsabilité de protection du peuple libyen et ont perdu toute légitimité. Il n'a pas d'avenir dans une Libye libre et démocratique. Il doit partir". Washington et Paris auraient par ailleurs approché la Russie pour lui demander de jouer un rôle de médiateur dans le conflit, Tripoli ayant fait de son côté la même démarche. Mais le terme même de "médiation" reste tabou : "Il n'y a pas de médiation possible" avec Kadhafi, a ainsi asséné Nicolas Sarkozy lors de sa conférence de presse à l'issue du sommet de Deauville. Mais "l'aide de Dmitri Medvedev est bienvenue", a-t-il aussitôt concédé. Au cours de cette même conférence de presse, il a également souligné qu'il comptait se rendre à Benghazi, le fief de la rébellion libyenne, avec le Premier ministre britannique David Cameron.
Les raids s'intensifient, Misrata sous le feu des Grad
Acculé au départ, frappé par des sanctions et affaibli par des défections, celui qui règne sur la Libye depuis près de 42 ans se montre pourtant inébranlable. Jeudi, le chef du gouvernement Baghdadi Al-Mahmoudi a réaffirmé ainsi que Mouammar Kadhafi ne quitterait pas le pouvoir. Il a par ailleurs déclaré que le régime libyen avait demandé à l'ONU et à l'Union africaine, qui s'est engagée dans une délicate médiation prévoyant un cessez-le-feu, de fixer une date et une heure précises pour un arrêt des combats. De son côté, l'UA a demandé la fin des bombardements de l'Otan, indispensable à ses yeux pour ouvrir la voix à une solution politique.
Sur le terrain, l'Otan poursuit les intenses raids lancés depuis quelques jours sur la capitale libyenne. Signe d'une volonté d'accélérer le processus et de se rapprocher du sol, Paris et Londres vont dépêcher des hélicoptères de combats capables de cibler plus précisément les forces de Kadhafi en milieu urbain. L'armée régulière bombarde de son côté l'ouest de la Libye chaque jour en tirant à l'aveuglette des roquettes qui "menacent la vie des civils", a accusé vendredi Human Rights Watch. Selon HRW, les Grad "tombent fréquemment sur les maisons, près des hôpitaux et des mosquées, forçant la population à fuir ou à vivre dans des caves". Ces armes sont utilisées par le régime de Tripoli dans le Djebel Nafoussa, une région montagneuse au sud de Tripoli. La ville de Zenten a été notamment la cible de "violents bombardements", a indiqué Ahmed Omar Bani, porte-parole militaire de la rébellion à Benghazi, appelant l'Otan à frapper les forces de Kadhafi dans cette zone de l'ouest, notamment avec les hélicoptères dans les montagnes de Nafoussa.
L'Alliance atlantique accuse pour sa part le régime d'avoir posé un "champ de mines" autour de Misrata. La troisième ville du pays a été assiégée pendant deux mois par les forces gouvernementales avant que les rebelles ne parviennent, le 12 mai, en partie grâce aux frappes aériennes de l'Otan, à desserrer l'étau et à reprendre l'aéroport. L'objectif des forces de Kadhafi est "d'empêcher la population de circuler", a estimé le commandant en chef de l'opération Protecteur unifié, le général Charles Bouchard. "Le danger est évident (...) L'intention du régime est de reprendre la ville et d'infliger de nouvelles pertes" à ses habitants, a-t-il assuré. L'Otan, qui "n'a pas de troupes au sol", a-t-il rappelé, n'est pas en mesure de procéder elle-même au déminage. "Des personnes appropriées s'en chargeront", a-t-il indiqué. Ahmed Omar Bani a affirmé que les forces de Kadhafi avaient posé les mines juste avant de partir "quand elles ont senti qu'elle perdaient". Les forces gouvernementales maintiennent en outre la pression sur Misrata en lançant des roquettes Grad.

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