lundi 21 février 2011

Patrick Ollier, ce très silencieux "Monsieur Libye"

Alors que la Libye est en ébullition, les amitiés libyennes de Patrick Ollier, ministre et compagnon de MAM, posent question. Quelques phrases d'un carnet du général Rondot, ressorties la semaine dernière dans Libération, évoquent des "accointances excessives" avec le régime de Mouammar Kadhafi
Jeudi dernier, la Libye s'enflamme après quelques jours "d'échauffements" à l'occasion d'une "Journée de la colère". Le régime du colonel Kadhafi, inébranlable jusqu'à aujourd'hui, fait face, pour la première fois, à une contestation sociale. Alors que le nombre de morts grimpe durant le week-end, le quai d'Orsay suit la rhétorique qu'il applique depuis la révolution égyptienne, invitant le régime libyen à entendre la rue et à arrêter toute répression sanglante. Au lendemain du discours provocateur d'un fils de Mouammar Kadhafi, plusieurs membres du gouvernement –Eric Besson, Laurent Wauquiez, François Baroin– réitèrent cet appel au calme et à la raison. Mais l'un d'entre eux est bien silencieux: Patrick Ollier, ministre chargé des Relations avec le Parlement (*), également connu pour être le compagnon de Michèle Alliot-Marie.


Patrick Ollier, surnommé POM ou POL selon les médias, est pourtant celui qui connaît le mieux la Libye. Il est à la fois l'artisan de la réconciliation entre Paris et Tripoli, et l'un des défenseurs les plus actifs des entreprises françaises de l'autre côté de la Méditerranée. Avant sa nomination au gouvernement, il a multiplié les casquettes: député-maire de Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine), président de la Commission des Affaires économiques et membre actif du groupe "Libye" au Palais Bourbon. Il a par ailleurs été à la tête d'une association France-Libye, qui se voulait "l'instrument d’un partenariat renforcé dans tous les domaines de coopération, culturel, économique et scientifique".


Influence au Palais
En vingt ans, POL est devenu le "Monsieur Libye" de la classe politique française. Rôle qu'il joue volontiers à l'Elysée depuis 2002. En cette période de "pré-réchauffement" des relations franco-libyennes, encouragé des entreprises françaises souhaitant sceller des contrats, Jacques Chirac l'a envoyé en éclaireur. Selon Jeune Afrique , Patrick Ollier a porté un message au "Guide de la Grande révolution", incitant la Libye à soutenir la France dans la lutte contre la guerre en Irak. Un an plus tard, le député accompagnait Jacques Chirac à Tripoli.


POL a continué son travail sous la mandature Sarkozy. Son efficacité a rapidement fait effet: le parlementaire a notamment participé au dénouement, en juillet 2007, de l'affaire des infirmières bulgares, extradées puis graciées via l'entremise de Paris dans les négociations entre Tripoli et Sofia. Il avait alors annoncé, sur L'Express.fr , une "normalisation rapide" des relations France-Libye. Un pronostic qui s'est avéré juste: Mouammar Kadhafi s'est rendu à Paris quelques mois plus tard. "Le colonel Kadhafi (...) possède des capacités d'analyse et de décision qui sont stupéfiantes. Contrairement à ce que l'on croit, ce n'est pas un personnage fantasque", déclarait Patrick Ollier dans les colonnes du Journal du Dimanche. Sur Europe 1, le 12 décembre 2007, il a faisait l'éloge du "Guide".


La "diplomatie économique" comme crédo
Mais derrière le diplomate se cache le VRP. En tant que président de la Commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale, Patrick Ollier a tissé de nombreuses relations avec le pouvoir libyen. Des "accointances excessives" selon le général Rondot. Cet ancien maître du Renseignement, médiatisé par l'affaire Clearstream, semble avoir mené une enquête sur le député. Selon Libération, qui a dévoilé l'information en 2006, l'espion écrit, dans un de ses fameux carnets daté de 2004, "compromission de POL. Irak, Libye, Syrie ".


A l'époque, Patrick Ollier, chantre de la "diplomatie économique", se rendait une à deux fois par an en Libye. En mars 2005, un article de France Soir insinuait qu'il aidait Thalès, grosse entreprise française d'armement, à décrocher un contrat en Libye. L'information était démentie quelques jours plus tard à la demande du député. Pour cause, sa compagne, Michèle Alliot-Marie, était alors ministre de la Défense...


Un conflit d'intérêt potentiel qui ne l'a pas empêché en 2006 de défendre, publiquement cette fois, un rapprochement avec Tripoli dans le but de vendre un réacteur nucléaire civil. Une tentative qui a échoué au bénéfice du Royaume-Uni. "Les Anglo-Saxons savent mettre leur diplomatie au service de leurs entreprises. Nos fonctionnaires en sont loin", regrettait-il alors dans Le Nouvel Observateur. Mais la diplomatie économique implique souvent de fermer les yeux sur certains problèmes politiques, concernant les Droits de l'Homme par exemple. Patrick Ollier n'a jamais nié l'existence de la torture en Libye, mais s'est souvent empressé de décrire le régime de Mouammar Kadhafi sous son meilleur jour. Son silence, depuis le début de la contestation sociale en Libye, est d'ailleurs éloquent.


(*) Sollicité par leJDD.fr, le ministère chargé des Relations avec le Parlement n'a pas souhaité faire suite à notre demande d'entretien
http://www.lejdd.fr/Politique/Actualite/Patrick-Ollier-ce-tres-silencieux-Monsieur-Liby-e-272165

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