vendredi 26 novembre 2010

L'affaire Karachi s'est brusquement emballée cette semaine

L'affaire Karachi s'est brutalement emballée cette semaine, avec l'audition jeudi de Dominique de Villepin qui a fait part au juge Renaud van Ruymbeke de "très forts soupçons" de "commissions illégitimes" sur deux contrats d'armement sans citer de bénéficiaires.


L'ancien Premier ministre a été entendu pendant plus de quatre heures par le juge chargé d'une enquête pour "entrave à la justice" et "faux témoignage" en marge de l'attentat de Karachi en 2002.


Interrogé sur les soupçons de corruption qu'avaient fait naître les vérifications ordonnées par Jacques Chirac en 1995 sur plusieurs contrats d'armements, Dominique de Villepin a déclaré que "le suivi des commissions, tel qu'il avait été opéré par la DGSE, faisait ressortir de forts soupçons de rétrocommissions", selon des extraits de son audition publiés par Lemonde.fr et Médiapart.


L'ancien Premier ministre, qui s'était exprimé en termes semblables le 19 novembre sur TF1, n'a pas cité l'identité de bénéficiaires de ces fonds. Il a en revanche suggéré qu'une partie de la campagne présidentielle de 1995 d'Edouard Balladur a pu être financée par des fonds secrets de Matignon plutôt que par des rétrocommissions.


"Il s'agissait davantage de financement politique de tel ou tel parti soutenant la majorité du Premier ministre de l'époque (Edouard Balladur, NDLR), que d'un financement spécifique de la campagne présidentielle, d'autant qu'il était aisé d'imaginer qu'elle avait pu être abondée par les fonds secrets de Matignon", a-t-il dit.


M. de Villepin était secrétaire général de l'Elysée en 1995 quand Jacques Chirac a ordonné à son arrivée à la présidence la révision des contrats d'armement ayant pu donner lieu à des rétrocommissions.


Lors d'un entretien avec Jacques Chirac et le ministre de la Défense, Charles Millon, l'examen des contrats et des commissions a mis en avant "les très forts soupçons qui existaient de commissions illégitimes, voire de rétrocommissions", a-t-il expliqué.


Selon Dominique de Villepin, "l'objectif de Jacques Chirac n'était pas de régler des comptes politiques".


L'ancien Premier ministre a retracé devant le juge les circonstances de l'arrêt de commissions. "Dès son investiture comme chef de l'Etat, son attention a été attirée par des responsables étrangers sur des pratiques anormales qui avaient pu se développer au cours des années précédentes", a relaté Dominique de Villepin.


Parmi les anomalies constatées sur deux contrats d'armements conclus par le gouvernement d'Edouard Balladur avec le Pakistan et l'Arabie saoudite, Dominique de Villepin a détaillé le rôle joué par des intermédiaires.


"Les intermédiaires non pakistanais ou non saoudiens apparaissaient, selon l'examen qui avait été fait, sans véritable lien avec ces marchés mais imposés par le ministère de la Défense (alors occupé par François Léotard, NDLR) et ayant des liens avec des personnalités publiques françaises", a-t-il précisé.


Deux hommes d'affaires libanais, Ziad Takieddine et Abdulrahman El Assir, auraient été imposés par le pouvoir politique, notamment le cabinet de François Léotard, peu avant la conclusion du contrat pakistanais, selon d'autres témoignages versés au dossier.


L'ancien Premier ministre a annoncé parallèlement qu'il serait entendu dans les prochains jours par le juge antiterroriste Marc Trévidic, qui enquête sur l'attentat ayant tué le 8 mai 2002 à Karachi 11 salariés de la Direction des Constructions navales.


"Il ne peut y avoir à mon sens aucun lien entre l'attentat de Karachi et l'arrêt du versement des commissions", a dit Dominique de Villepin à la presse.


De son côté, le Premier ministre François Fillon a fustigé les "torrents d'imprécisions des commentateurs" sur l'affaire Karachi.


http://www.lepoint.fr/societe/l-affaire-karachi-s-est-brusquement-emballee-cette-semaine-26-11-2010-1267511_23.php

Aucun commentaire: