samedi 6 novembre 2010

L’étau judiciaire se resserre autour de Guy Wildenstein

Au Grand Palais, les visiteurs de l’exposition Monet peuvent ­dé­couvrir un tableau rare : « Adol­phe Monet lisant dans un jardin ». Cette huile sur toile, qui représente le père du peintre, provient d’une collection particulière. Jusque-là, rien d’extraordinaire. Sauf que celle-ci appartient à la famille ­Wildenstein, la plus prestigieuse dynastie de marchands d’art au monde. Et que cette collection, depuis presque dix ans et la mort du patriarche, Daniel Wildenstein, fait l’objet d’une bataille d’héritage entre Guy, son fils, et ­Sylvia, sa veuve.


Après avoir écarté leur belle-mère de la succession, les deux fils de Daniel, Alec – décédé en 2008 – et Guy, avaient déclaré au fisc un patrimoine de 43 millions d’euros. Mais pour l’avocate de ­Sylvia Wildenstein, Claude Dumont-­Beghi, c’est en milliards d’euros que se chiffre la fortune de Daniel Wildenstein. On y trouverait, selon elle, « des milliers de toiles », des chefs-d’œuvre de Fragonard, Rembrandt, Vélasquez, Cézanne, Goya ou Van Gogh. Dans un livre écrit avec le journaliste Yves ­Stavridès deux ans avant sa mort, Daniel Wildenstein reconnaissait d’ailleurs détenir des Picasso et 180 tableaux de Bonnard, « les plus beaux ». Après avoir rétabli sa cliente dans ses droits d’héritière en 2005, Me Dumont-Beghi s’est donc mis en tête de faire l’inventaire de la fortune Wildenstein.


Une importante partie de la fortune
serait logée dans des paradis fiscaux
Une entreprise titanesque quand on connaît l’opacité qu’aimait entretenir Daniel : « Un marchand n’a pas le droit de parler de son stock. C’est impossible. Tout marchand d’art se doit d’entretenir l’illusion des chefs-d’œuvre qu’il ­détient ou ne détient pas », confiait-il ainsi à Yves Stavridès. L’avocate a malgré cela réussi quelques « beaux coups », comme la réintégration dans l’héritage de 19 Bonnard et du « Joueur de luth », du Caravage, estimé à 50 millions d’euros. Plus gênant pour les Wildenstein, elle a mis au jour l’existence d’une cascade de trusts, basés dans des paradis fiscaux comme Guernesey ou les îles Caïmans, où serait logée une grande partie de la fortune. Pour elle, pas de doute : c’est de l’évasion fiscale. Sauf que la Cour de cassation exonère Guy de toutes responsabilités : en mai 2009, elle juge « l’évasion du patrimoine dans des sociétés étrangères et des trusts conforme à la tradition familiale ».


Malgré une condamnation pour « procédure abusive », la veuve ne désarme pas. Elle a déposé trois plaintes au pénal et alerté les services fiscaux. Deux juges du pôle financier de Paris, Guillaume Daieff et Serge Tournaire, sont désormais chargés de se pencher sur les faits d’« abus de confiance, blanchiment d’argent, recel et organisation frauduleuse d’insolvabilité ». Par ailleurs, le parquet de Paris vient d’ouvrir une ­enquête préliminaire, confiée à la BRDE (Brigade de répression de la délinquance économique), à la suite d’une plainte contre X pour « trafic d’influence, corruption active et passive et recel de blanchiment ». Ce volet pourrait mettre en cause les services fiscaux et le ministère du Budget. Car, étonnamment, le fisc n’a jamais semblé pressé de fouiller dans les affaires des Wildenstein. Et, que ce soit Eric Woerth ou François Baroin, aucun ministre du Budget n’a donné suite aux nombreux courriers envoyés par Me Dumont-Beghi. Pourquoi ? « Nous ne nous ­exprimons jamais sur un dossier individuel », répond-on à Bercy.


Pour Me Dumont-Begui, mais aussi pour les socialistes, cette inertie s’expliquerait par les réseaux politiques de Guy Wildenstein. A la différence de son père, apolitique, Guy est engagé à l’UMP. Installé à New York, il est un fidèle du Premier cercle, cette structure créée par Eric Woerth, qui regroupe les grands donateurs du parti présidentiel. Les deux hommes se fréquentent sur les champs de course de Chantilly, dont Woerth est le maire, et où les Wildenstein possèdent une écurie de chevaux. A 65 ans, Guy, qui vient d’être réélu à l’Assemblée des Français de l’étranger, aurait l’ambition d’être sénateur. En 2009, il a été élevé au rang de commandeur de la ­Légion d’honneur et décoré par Nicolas Sarkozy. Au cours d’un discours à Wa­shin­gton, en 2007, ce dernier l’a même ­appelé « mon ami Guy ». Un ami qui pourrait toutefois devenir embarrassant à l’approche de la présidentielle
http://www.parismatch.com/Actu-Match/Societe/Actu/L-etau-judiciaire-se-resserre-autour-de-Guy-Wildenstein-223695/

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