lundi 14 mars 2011

Juppé, Guéant, les meilleurs d'entre tous ?

Les promotions des grands serviteurs de l'Etat, Alain Juppé et Claude Guéant, respectivement nommés Ministre des Affaires Etrangères et de l'Intérieur, symbolisent le retour de l'excellence et de l'expérience à des postes stratégiques. Alain Juppé tout d'abord, « le meilleur d'entre nous » comme l'appelait Jacques Chirac, ou « le fils préféré à qui on a tout donné sur un plateau » selon Nicolas Sarkozy, peut savourer son retour au premier plan. En effet, après sa nomination en 1995 à la tête du gouvernement, l'homme a vécu un vrai parcours du combattant. La fronde populaire à l'annonce de la réforme des retraites, le fiasco de la dissolution de 1997, une condamnation dans l'affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris et enfin, l'exil volontaire au Canada...




De retour au gouvernement en 2007, il devint « le moins durable des ministres du développement durable » comme il aime à dire. Juppé le premier de la classe serait-il le maudit de la scène politique ? Lui l'arrogant, le cassant, victime d'un complexe de supériorité chronique et d'un ego gonflé à l'hélium a toujours eu un rapport compliqué avec les Français. Après être passé par la « case défense », le voici appelé au secours d'un ministère des Affaires Etrangères discrédité suite aux loupés de la diplomatie française lors des révolutions au Moyen Orient et en Afrique du Nord. C'est un peu un retour aux sources pour celui qui fut à la tête du Quai d'Orsay entre 1993 et 1995 avec comme dircab un certain Dominique de Villepin.




Qui aurait pu imaginer un tel scénario lorsque l'on connaît la violence avec laquelle se sont affrontés Chirac et Balladur et leurs lieutenants respectifs Juppé et Sarkozy pendant la campagne présidentielle fratricide de 1995. A l'époque, Nicolas Sarkozy qui était en charge des ralliements vers Balladur se complaisait déjà dans les rapports de force, concluant ses interventions par un « tu es avec nous ou contre nous ». Si Juppé a longtemps hésité, il resta un des rares avec Seguin et Madelin à rester fidèle à Chirac. Elu en 1995, ce dernier ne pardonna pas aux « traîtres » et les balladuriens furent tous bannis du pouvoir, Sarkozy inclus, bien que Juppé ait plaidé sa cause.




En réalité, malgré leurs affrontements politiques, les deux hommes se sont toujours estimés, Sarkozy admirant le « techno surdoué » bardé de diplômes, et Juppé admirant l'animal politique Sarko qu'il n'est pas. Mais Alain Juppé, qui avait refusé le Quai lors du premier remaniement, a cette fois accepté à condition que Claude Guéant, le tout puissant secrétaire général, n'interfère plus tous azimuts en matière de diplomatie. C'est chose faite, puisque Nicolas Sarkozy vient de promouvoir ce dernier place Beauvau.




Claude Guéant peut également savourer sa promotion. En effet, ce dernier avait vécu le premier remaniement comme une disgrâce : son favori Borloo n'accéda pas à Matignon, Hortefeux fut confirmé à l'Intérieur, et Guéant lui même fut quasiment interdit d'antenne à la demande de François Fillon. Il est vrai que celui que l'on surnommait le Premier Ministre bis en agaçait plus d'un : Emmanuelle Mignon, ex Dircab de Sarkozy, qui préféra partir, Henri Guaino, avec lequel les relations sont pour le moins tendues, et enfin François Fillon. En d'autres termes, l'omniprésence de Guéant dérangeait. La Place Beauvau est pour Guéant un véritable costume taillé sur mesure. Il a en effet l'expérience et toutes les qualités requises pour un poste hautement stratégique dans la perspective de la présidentielle de 2012. De plus, ses compétences qui transcendent les clivages politiques ainsi que son sang froid légendaire lui permettront de faire tampon avec la gauche, endiguant les excès du Président.




Si Juppé et Guéant ont de nombreux points communs, il y a toutefois une différence essentielle entre ces deux grands commis de l'Etat : Juppé rêve toujours d'être Président alors que Claude Guéant n'a aucune ambition politique.




La phrase de la semaine :
«Au sein de l'équipe gouvernementale, un ancien Premier Ministre a toujours du poids, mais j'ai du mal à croire en un Juppé superstar. Pour les Français, c'est toujours le Premier Ministre droit dans ses bottes qui a été condamné par la justice. Il faut se calmer. Je ne sens pas une juppémania envahir la France ». De François Fillon
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