samedi 18 septembre 2010

Delarue, pourquoi tant de haine?

Il était l'enfant chéri de la télévision des années 90. Le symbole des animateurs-producteurs à succès. Il est aujourd'hui la risée de la profession. Mardi, Jean-Luc Delarue a une nouvelle fois quitté le petit écran pour les pages des faits divers. L'animateur de France 2 a été longuement entendu dans le cadre d'une enquête sur un vaste trafic de stupéfiants , lui qui, selon les premiers éléments de l'enquête, dépense pas moins de 10.000 euros par mois en cocaïne. Comment l'ancien animateur préféré des Français en est-il arrivé là?

Mercredi matin, Laurent Ruquier, lors de l'enregistrement de son émission sur Europe 1, a apporté un premier élément de réponse: "'S'il avait eu plus de considération pour ses collègues journalistes, il n'en serait peut-être pas là aujourd'hui". Jadis gendre idéal pour la ménagère de moins de 50 ans, Jean-Luc Delarue s'est construit une image médiatique qui ne colle pas avec la réalité de son personnage. Tous ceux qui l'ont côtoyé professionnellement -tout en louant ses qualités indéniables d'animateur- parlent d'un homme hautain, d'un égocentrique tendance tyrannique, loin du rôle d'oreille attentive qu'il joue chaque jour dans Toute une histoire. La rançon du succès?

A la fin des années 80, après un passage à TV6, il rejoint Europe 1, où il anime la matinale, avant de se faire repérer par les grandes chaînes de télé. En quelques années, sur Canal+ puis sur France 2, il s'impose comme l'un des animateurs préférés des Français, remporte deux Sept d'or, et monte sa boite de production, Réservoir Prod. Il est aujourd'hui le seul animateur à être encore propriétaire, là où Nagui ou Arthur, entre autres, s'en sont (chèrement) débarrassés. Il ne s'en plaint pas, Réservoir continuant à abreuver les chaînes d'émissions de flux. Son banquier non plus.

"C'est l'image même du service public qui est ternie"
L'argent coule à flot. Delarue ne s'en cache pas. Mieux, il l'exhibe. Dans son autobiographie*, Philippe Gildas, peu suspect de commérages, confie ainsi que "c'était la première fois qu'[il] voyai[t] quelqu'un qui se comportait en vedette de la télé en affichant clairement sa fortune." "Moi qui suis un O.S. de l'information, un artisan, je dois dire que ça m'a choqué", reconnait-il. "Quand je l'ai vu débarquer dans mon bureau avec une armée d'assistants autour de lui, très pro, je me suis dit que ce mec là avait tout compris", assure pour sa part Thierry Ardisson dans Confessions d'un baby boomer. Comme nombre de ses confrères locataires de la petite lucarne, Jean-Luc Delarue vit dans l'opulence, au point de perdre pied avec la réalité. Et tombe dans la cocaïne pour, dit-il, supporter la dureté des témoignages qu'il recueille depuis des années dans ses émissions. Un dérapage dans un avion, un autre lors d'une cérémonie officielle le place au banc des accusés.

Il n'est pourtant pas le seul consommateur de stupéfiants dans les milieux du show biz, et de l'audiovisuel, dont les moeurs abreuvent régulièrement les gazette people. Alors pourquoi lui? Pourquoi France 2 a-t-elle décidé mercredi de suspendre son émission? Pourquoi sa carrière télévisuelle risque-t-elle d'être mise entre parenthèses? Pourquoi doit-il s'excuser publiquement pour une affaire qui, finalement, ne concerne que sa vie privée? Justement parce que sa vie privée ne l'est plus, qu'il fait partie depuis 20 ans de "la grande famille du PAF", et que "c'est l'image même du service public et de ses 11.000 salariés qui est ternie", selon la CGT de France Télévisions. Et, aussi (surtout), parce que l'homme à l'oreillette s'est éloigné de l'image qu'il s'est façonnée, bien qu'il s'en défende. Le gendre idéal n'existe plus. Jean-Luc Delarue survit. Dans sa vidéo d'excuses, il réclame "une seconde chance". Il ne l'aura peut-être pas.

* Comment réussir à la télévision quand on est petit, breton, avec de grandes oreilles?, édition Flammarion
http://www.lejdd.fr/Medias/Television/Actualite/Delarue-pourquoi-tant-de-haine-220504

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