jeudi 23 septembre 2010

EXCLUSIF - Un médecin admet avoir détruit des documents sur Liliane Bettencourt

Le feuilleton judiciaire de l'affaire Bettencourt s'enrichit d'un nouvel épisode troublant. Un médecin parisien qui avait attesté, en février 2009, que Liliane Bettencourt était en bonne santé et que son état ne justifiait aucune mesure de protection a admis, au cours de son audition par la police, avoir détruit l'ensemble des pièces relatives à l'examen subi par la milliardaire. Une perquisition a eu lieu lundi 20 septembre à son cabinet, dans le 16e arrondissement de la capitale. Mandatés par la juge Isabelle Prévost-Desprez, qui instruit un complément d'information sur la procédure pour "abus de faiblesse" visant François-Marie Banier, les enquêteurs cherchent à savoir si des éléments médicaux contredisant le certificat du médecin n'auraient pas été soustraits par lui à la justice.

Selon sa déposition, recueillie le 16 septembre par la brigade financière, ce neuropsychiatre, le docteur R., a reconnu qu'il avait "détruit le dossier médical de Liliane Bettencourt immédiatement après la convocation [de la police]". Cette convocation lui avait été adressée par téléphone deux jours auparavant. En présence des policiers, le médecin a indiqué avoir également effacé la cassette sur laquelle il avait dicté le texte de son rapport, qui lui avait été commandé par l'avocat Fabrice Goguel, alors conseil de la milliardaire.

L'état de conscience de l'héritière de L'Oréal est, depuis l'origine, au coeur de l'affaire qui oppose Françoise Bettencourt-Meyers, sa fille, au photographe François-Marie Banier, soupçonné d'avoir capté près d'un milliard d'euros de dons divers grâce à l'emprise psychologique qu'il exerçait sur la vieille dame. Qualifié d'"expertise privée", le rapport d'"examen médico-psychologique" du Dr R., daté du 19 février 2009, avait été remis à la justice le 27 avril suivant, dans le but de justifier le refus de Mme Bettencourt de se soumettre à l'expertise requise par le procureur Philippe Courroye.

En effet, le chef du parquet de Nanterre avait officiellement mandaté un neuropsychiatre expert, le Dr Azouvi, afin qu'il examine la milliardaire et se prononce sur son éventuel état de faiblesse. Après avoir accepté le principe d'un examen - mais uniquement de médecine générale, avait-elle spécifié -, Liliane Bettencourt avait, par courriers successifs, obstinément refusé toute expertise. Or le 3 février 2009, le Dr Azouvi avait directement pris contact avec son secrétariat afin de convenir d'une date pour un examen. C'est donc deux semaines après que fut organisé - "dans les meilleurs délais", indique le certificat - la séance de tests censée avoir fondé le rapport.

Au cours de leur perquisition, les policiers n'ont retrouvé aucun dossier ni aucune pièce relative à cet examen, hormis une note d'honoraires datée du 17 février 2009 et adressée à Me Fabrice Goguel, d'un montant de 1 000 euros, sous le libellé "Entretien-examen-rapport de Mme Liliane Goguel". Sans doute dans le même souci de confidentialité, l'agenda du médecin comportait la mention d'un rendez-vous ultérieur sous la même identité déguisée, à la date du 21 juillet 2009 : "R.V. ici Mme Liliane Goguel + certificat." Mais il semble qu'aucun autre rapport du Dr R. n'ait été remis à la justice dans cette affaire.

Le document du 19 février 2009, lui, indiquait que son auteur avait eu "un entretien de 1 h 30 avec cette dame" - pour partie en présence de son avocat -, qui lui aurait déclaré, au terme de leur conversation : "Cet examen est très important pour moi." Ayant soumis l'octogénaire à divers tests cognitifs durant ce laps de temps, le médecin concluait que celle-ci ne présentait aucun trouble particulier, qu'elle disposait "de son entière volonté et discernement", qu'elle n'avait "pas besoin de mesure de protection" et qu'elle pouvait "être entendue par le magistrat sans réserve particulière sauf surdité". Au passage, il indiquait : "À aucun moment, sa générosité ne semble avoir mis en danger son patrimoine. Elle a agi en toute conscience avec elle-même dans l'usage de ses ressources" - sans préciser sur quelles considérations médicales se fondait cette appréciation. La destruction de tous les documents relatifs à cet examen et à son illustre patiente interdit désormais d'en savoir davantage.
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