vendredi 3 septembre 2010

L'accord entre la comptable et la fille Bettencourt

En juillet 2007, l'employée de la milliardaire acceptait de prêter son «concours» à Françoise Meyers. En échange, elle recevait l'assurance de toucher 800 000 euros en cas de licenciement.

Le document jette un coup de projecteur cru sur les liens entre l'ex-comptable de Liliane Bettencourt, témoin clé de l'affaire Bettencourt, et Françoise Meyers, fille de la milliar­daire. Il s'agit d'une lettre que Claire Thibout, l'ancienne comptable, a elle-même livré à la magistrate Isabelle Prévost-Desprez, après que les enquêteurs ont découvert le versement sur son compte de deux chèques de 200.000 euros. Dans ce courrier, daté du 11 juillet 2007, Françoise Meyers promet à l'employée de sa mère qu'elle percevra, si elle est licenciée, la somme de 800.000 euros au total. Selon cet accord, la fille s'engageait donc à compléter de sa poche les indemnités versées par sa mère lors d'un éventuel départ.

Dans le document, la généreuse signataire précise : «Nous (…) sommes sensibles à votre engagement de nous apporter, le moment venu, votre concours, et nous vous en remercions.» Pour l'avocat de Liliane Bettencourt, Me Georges Kiejman, cette phrase démontre que les deux femmes ont conclu ce jour-là un «pacte de corruption».

À la mi-2007, l'«affaire Bettencourt» n'existe pas encore - aucune procédure n'est engagée. Mais Françoise Bettencourt-Meyers nourrit depuis longtemps de la méfiance, le mot est faible, envers une partie de l'entourage de sa mère, spécifiquement François-Marie Banier, qu'elle accusera plus tard d'abus de faiblesse. Son père, André Bettencourt, qui disparaîtra en novembre 2007, est diminué par la maladie. Dans ce contexte, Claire Thibout, «en pleine dépression», selon son avocat, Me Antoine Gillot, et en confrontation permanente avec François-Marie Banier, croise Françoise Meyers, qui l'invite à se confier. La comptable décide alors de témoigner des difficultés qu'elle estime rencontrer, elle aussi, dans la maison de Neuilly.

«Les informations dont vous avez bien voulu nous faire part corroborent nos soupçons s'agissant notamment de l'attitude abusive de certaines personnes de l'entourage de Mme Bettencourt» , lui écrit en juillet 2007 Françoise Bettencourt.

Plus qu'une lettre, il s'agit bien d'un accord, qui doit rester secret. «La présente lettre et son contenu doivent rester strictement confidentiels», stipule le texte. Par ailleurs, en cas de «mauvaise foi manifeste (…)dans l'exécution du présent accord », de la part de la comp­table, l'engagement de Françoise Meyers deviendrait caduc.

Les comptes sont précis. Afin que Claire Thibout soit «pleinement rassurée sur (son) avenir», Françoise Meyers s'engage à verser «sans délai», le jour où la comptable serait licenciée, la différence entre les indemnités de rupture qu'elle percevrait alors et la somme de 800.000 euros, une indemnisation définie par Claire Thibout. La comptable perçoit à ce moment une rémunération annuelle de 130.000 euros, une somme qu'elle ne retrouverait probablement pas chez un nouvel employeur.

Le témoignage de Claire Thibout étant au cœur de l'affaire Bettencourt, tant dans la procédure pour abus de faiblesse que dans les accusations de financement politique, les «camps» s'affrontent quant à sa portée.

Pour Me Georges Kiejman, avocat de l'héritière de L'Oréal, l'existence de cet accord discrédite les accusations de Claire Thibout, qui a d'ailleurs bien touché l'indemnité promise. Crédibilité également mise à mal par le fait que la comptable aurait joué un rôle actif pour convaincre le personnel de la maison Bettencourt de témoigner de ses difficultés avec l'entourage de Liliane Bettencourt, notamment avec François-Marie Banier.

Avocat de Françoise Bettencourt-Meyers, Me Olivier Metzner assure que cet accord ne fait que refléter le désir d'André Bettencourt de protéger cette femme d'une cinquantaine d'années qui affiche alors plus de dix ans de services à ses côtés et qui est en conflit ouvert avec François-Marie Banier. «À cette date, explique Me Metzner, Françoise Meyers n'imagine pas encore qu'elle s'adressera à la justice. Elle n'est venue me voir pour la première fois qu'après le décès de son père, en novembre 2007.»
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2010/09/02/01016-20100902ARTFIG00662-l-accord-entre-la-comptable-et-la-fille-bettencourt.php

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