vendredi 3 septembre 2010

À Genève, Mme Woerth logeait dans le fief des Bettencourt!

Affaire Woerth La pression monte chaque jour un peu plus contre Eric Woerth, ministre français du Travail. Il a reconnu hier être intervenu pour l’attribution de la Légion d’honneur au gestionnaire de Liliane Bettencourt. Patrice de Maistre n’est autre que l’ex-patron de Florence Woerth, pour lequel elle venait très souvent à Genève.
Entre les bords du lac Léman et la Perle du lac s’élèvent les résidences de Château-Banquet. Un somptueux ensemble d’immeubles baignant dans la verdure, où les appartements se vendent 1,5 million de francs le cinq-pièces et 3,5 millions de francs le dix-pièces. C’est là que, selon plusieurs sources concordantes, résidait l’épouse de l’actuel ministre français du Travail et ancien ministre du Budget, lorsqu’elle venait à Genève pour gérer les affaires de Liliane Bettencourt. «Florence Woerth vivait ici, à Château-Banquet, confie un courtier en immobilier. Si vous désirez un appartement, le sien est toujours vide!»

Selon plusieurs sources, la gérante de fortune française, au service de la société financière des Bettencourt Clymène, y est venue souvent. Bien plus en tous les cas que ce qu’affirmait le 4 juillet dernier l’avocat de Florence Woerth, Me Antoine Beauquier, suite aux révélations de la Tribune de Genève, affirmant qu’elle était «presque à demeure» dans la Cité de Calvin: «Mme Woerth, disait-il alors, n’a effectué au cours de ces dernières années que deux déplacements à Genève: le 11 janvier et le 29 mai 2008.»

Habitait-elle directement au 10, où les Bettencourt ont acquis un splendide appartement de… dix-neuf pièces de 433 mètres carré, au huitième étage? Cet appartement était inscrit sous la propriété de la société immobilière En Bergère Vevey SA, domiciliée au 55, rue Nestlé, à Vevey. Soit au cœur même de la multinationale vaudoise, actionnaire à hauteur de 29,1% de L’Oréal!

Le complexe résidentiel genevois était, en tous les cas, un véritable fief des Bettencourt, puisqu’au numéro 14, on trouve encore une boîte aux lettres à leur nom et que l’appartement s’y référant aurait, selon des voisins, été vendu il y a deux ans, juste après la mort du mari de Liliane Bettencourt, André.

Havre fiscal des dirigeants de L’Oréal

Quoi qu’il en soit, il n’y a rien de surprenant à ce que la richissime famille française possédât un, voire deux pied-à-terre à Château-Banquet: André Bettencourt entretenait, depuis 1943, d’étroits rapports avec Genève, où il a notamment travaillé durant quelque temps pour la filiale suisse de L’Oréal.

De plus, son second meilleur ami – outre François Mitterrand – François Dalle, a non seulement fini ses jours à Genève, après sa retraite de la direction générale du groupe L’Oréal, mais il y avait aussi déplacé ses comptes bancaires. «La Suisse, nous confie ainsi un avocat de la place, est notoirement connue pour être le havre fiscal des dirigeants de la multinationale de cosmétiques.»

Les enregistrements réalisés au domicile de Liliane Bettencourt par son ancien majordome ont ainsi révélé que «le banquier» de l’héritière était un avocat d’affaires genevois, Me M., qui détenait la signature sur les comptes de Liliane Bettencourt et qui compte parmi ses nombreuses relations d’affaires l’un des administrateurs de la SI En Bergère Vevey SA.

Or, quand le patron de Florence Woerth et financier de Mme Bettencourt, Patrice de Maistre, voulait de l’argent, il le faisait venir de Genève, ou de Vevey, par les bons soins de Me M.

Autant dire que les déplacements Paris-Genève étaient nombreux. A ce propos, la Tribune de Genève a également appris que des émissaires français, liés à Patrice de Maistre, se sont rendus en juillet dernier auprès de la banque dépositaire des deux comptes non déclarés de Liliane Bettencourt, une banque privée de la place.

Cherche villa à 50 millions

Dans ses salons privés, il aurait été question d’un achat immobilier «d’au moins 50 millions de francs» entre Genève et Lausanne, grâce aux quelque 70 millions de francs que la banque privée gardait dans sa filiale de Vevey. Le but probable? Faire disparaître ce compte compromettant (dont l’identité de l’ayant droit doit être connue), via une société, anonyme, elle, grâce à l’acquisition d’une belle propriété sur le Léman, où les objets de prestige ne manquent pas.

A Genève, on le sait aujour­d’hui, la famille Bettencourt avait donc bien plus que ces deux comptes bancaires non déclarés, sur lesquels Patrice de Maistre a voulu retirer 300 000 francs pour s’acheter un beau voilier en Méditerranée. L’héritière L’Oréal y détient également un compte à UBS, de quelque 230 millions de francs, et un autre au Credit Suisse, d’environ 150 millions de francs, qui proviennent de ses dividendes de L’Oréal.

Cette visite estivale des émissaires de de Maistre dans les salons de la banque privée genevoise prouve l’urgence qu’il y a pour l’entourage de l’héritière à nettoyer toute trace d’évasion fiscale en Suisse, considérée en France comme une fraude grave. Délit qu’Eric Woerth, lorsqu’il était au Budget, avait explicitement désigné comme sa principale croisade. Aujourd’hui, c’est lui qui se retrouve au cœur d’une tempête qui pourrait bien lui coûter sa tête.
http://www.tdg.ch/actu/monde/geneve-woerth-logeait-fief-bettencourt-2010-09-02

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