lundi 14 juin 2010

Haro sur le juge “Libérator”

Le placement en détention provisoire doit être l’exception. Pour avoir appliqué à la lettre ce principe du Code de procédure pénale, un juge, surnommé « Libérator » par les policiers, va devoir changer de poste. Vendredi, le président du tribunal de grande instance de Créteil, a notifié à Xavier Lameyre un « futur changement d’affectation ».
Une décision prise devant « l’importance des critiques et leur écho médiatique » dont les décisions du magistrat font l’objet depuis plusieurs mois. Xavier Lameyre officie comme juge des libertés et de la détention (JLD), c’est-à-dire qu’il a le dernier mot pour écrouer ou non les justiciables après leur passage devant le parquet ou un juge d’instruction, dans l’attente du procès.

En février, dans un communiqué, le syndicat de policiers Synergie brocarde un « magistrat stupéfiant ». « Synergie Officiers, une fois de plus, déplore qu’un juge des libertés et de la détention, certes surnommé “Libérator”, refuse la mise en détention provisoire des membres d’un réseau très structuré de trafiquants de drogue, chez lesquels ont été saisis au total 250 kg de cannabis, de l’héroïne, de la cocaïne, des contrefaçons pour 130.000 €, un pistolet automatique […]. »

Passeur de cocaïne libéré
Ce n’était pas la première décision controversée du magistrat. L’année dernière, il avait remis en liberté un braqueur qui avait longuement tenu en otages 23 clients dans une banque, mais aussi l’auteur de coups de feu sur un autre jeune devant un lycée, sans oublier un passeur, arrêté avec plusieurs kilos de cocaïne à Orly et qui devait retomber quelques mois plus tard, exactement pour le même délit… Au tribunal de Créteil c’était même devenu le jeu du chat et de la souris. Les substituts allant jusqu’à calculer le temps de garde à vue en fonction de la présence ou non du magistrat, par ailleurs formateur à l’Ecole nationale de la magistrature et auteurs de nombreux articles et ouvrages sur les crimes sexuels.
Mais la pression des policiers semble avoir eu raison de « Libérator ». Le président du tribunal craint que sa mission soit aujourd’hui « fragilisée ». Il va donc lui proposer la présidence d’une chambre correctionnelle.

Le Syndicat de la magistrature dénonce un « lynchage médiatique » et une « sanction déguisée ». La semaine dernière, sa présidente avait écrit au garde des Sceaux pour lui demander de réagir publiquement face à une « entreprise de dénigrement systématique ». Elle n’a visiblement pas été entendue.
http://www.francesoir.fr/faits-divers-justice-police-prison/haro-sur-le-juge-liberator

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