mercredi 30 juin 2010

Pourquoi Noriega a eu du mal à se faire entendre

Je m'appelle Manuel Noriega. Je suis un soldat professionnel"... Pour que le président déchu du Panama puisse ainsi commencer le récit de son parcours politique, devant la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris, qui le juge pour blanchiment d'argent provenant du trafic de drogue, il a fallu attendre un bon quart d'heure... Quinze longues minutes, dans cette salle transformée en étuve, pour qu'après différents et vains essais de micros et trois ou quatre "effets larsen" à vous décrocher les tympans, la présidente, de guerre lasse, décide de demander à Noriega et à son interprète de parler (sic) un peu plus fort pour se faire entendre du tribunal et des avocats, puisque décidément les micros ne consentaient pas à marcher...

Misère, grande misère de la justice française. Il n'arrive pas tous les jours que l'on juge un ancien chef d'État, même au palais de justice de Paris. Aussi un certain nombre de journalistes hispaniques et anglo-saxons avaient fait le déplacement pour voir l'ancien dictateur, soupçonné d'avoir amassé et mis de côté des millions de dollars provenant du trafic de la cocaïne, s'expliquer devant des juges européens, après avoir purgé 17 ans dans une prison américaine. Ils n'ont pas été déçus : la justice française a beau utiliser des ordinateurs et des vidéos écrans plats, elle reste toujours un peu empoussiérée. Pas plus qu'ils n'ont été surpris, comme paraissait l'être étrangement la présidente du tribunal, devant le mutisme de Noriega quand il est question des mouvements importants de fonds sur des comptes bancaires à numéro, ouverts à Londres, au Luxembourg, à Hambourg ou à Paris.

Le spectre d'un retour au Panama

Très disert sur l'environnement géopolitique du Panama avant et au moment de l'intervention américaine du 20 décembre 1989, parlant d'abondance sous les questions bien dirigées d'un de ses avocats, maître Metzner, de ses contacts nombreux et fructueux avec la CIA, le général Noriega ne sait vraiment pas comment ses comptes bancaires s'alourdissaient chaque mois d'un bon million de dollars ! "Ah ! si, c'est vrai !, se souvient-il brusquement, il y avait beaucoup de fonds provenant des services secrets"...

Même s'il est noir comme un corbeau, aussi noir que ses cheveux teints qui, en dépit de ses 78 ans lui donnent encore belle prestance, le général Noriega, à en croire le dossier constitué contre lui ici, ne risque sans doute pas grand-chose de la justice française. Le plus grand danger qui guettera alors l'homme de Panama qui a trahi successivement ou en même temps la CIA, Fidel Castro, les contras et même le cartel de la drogue de Medellin, c'est que la procédure d'extradition introduite par son pays soit acceptée par la France et qu'il finisse par être jugé là où il a surtout péché.

http://www.lepoint.fr/chroniqueurs-du-point/michel-colomes/pourquoi-noriega-a-eu-du-mal-a-se-faire-entendre-29-06-2010-471620_55.php

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