lundi 28 juin 2010

Le sud-est de la France, sanctuaire des parrains en cavale

Arrêté vendredi dernier à Marseille, Giuseppe Falsone, le parrain de la Cosa Nostra d'Agrigente recherché par toutes les polices de la péninsule depuis 11 ans, avait échappé de peu aux enquêteurs transalpins en 2008. Mais, dans sa dernière planque sicilienne, les policiers avaient découvert une liste de chirurgiens esthétiques français. Un indice qui avait convaincu les catturandi - "les chasseurs" qui se consacrent uniquement à la traque des mafieux en cavale - que Falsone projetait de modifier ses traits et de s'installer dans l'Hexagone.

Deux ans d'enquête ont ainsi permis de "loger" le boss d'Agrigente dans un bel appartement du boulevard Notre-Dame à Marseille. "Je ne suis pas celui que vous m'accusez d'être", a tenté Falsone comme ultime défense en présentant aux policiers une fausse carte d'identité. En vain. Malgré le nez et la forme des yeux retouchés, une nouvelle coiffure et quelques kilos de moins, les empreintes digitales ont trahi celui que Bernardo Provenzano, le parrain des parrains, appelait "numéro 28" dans ses correspondances codées.

40 ans de liens étroits

Les liens entre la France et les mafias transalpines - Cosa Nostra, 'Ndrangheta et Camorra - ne sont pas nouveaux. En 2003, Bernardo Provenzano, alors numéro un de Cosa Nostra, s'était fait opérer de la prostate sous une fausse identité dans la clinique La Ciotat à Marseille. "Les mafias, et surtout la Cosa Nostra sicilienne, ont des implantations sur la Côte d'Azur qui remontent aux années 70 et à la french connection", explique au Point Francesco Forgione, ancien président de la commission parlementaire anti-mafia et auteur du livre Mafia Export.

Ainsi, sur les 35 mafieux importants arrêtés en France depuis une dizaine d'années, dix le furent à Nice, cinq à Marseille et sept à Cannes. Toutefois, la France n'est pas uniquement un sanctuaire pour parrains en cavale. "La criminalité organisée italienne est présente dans toute la France, car il n'y existe pas de législation spécifique anti-mafia, précise Forgione. Son chiffre d'affaires est supérieur à 100 milliards d'euros par an et elle réinvestit ses capitaux dans l'immobilier, le tourisme et le commerce.

Trafic de cocaïne

Outre la Côte d'Azur, des clans sont installés à Lyon, Millery, Toulouse, Paris, Bastia et Strasbourg. Et la 'Ndrangheta, la mafia calabraise aujourd'hui la plus puissante, contrôle le trafic d'une grosse partie de la cocaïne consommée en France." Maigre consolation, la Hollande, mais surtout l'Allemagne et l'Espagne sont nettement plus contaminées par les implantations mafieuses que la France. "Les gouvernements européens ferment les yeux, car les mafias évitent de faire couler du sang hors de la péninsule, estime Forgione. C'est une erreur, car elles sont devenues des multinationales et l'argent sale corrompt l'économie légale."


Reste que les plus grands boss mafieux ne quittent jamais leur terre natale où ils vivent protégés par un réseau de complicité. C'est à Palerme que Toto Riina fut arrêté en 1993 alors qu'il était recherché depuis 24 ans et dans une bergerie de Corleone que Bernard Provenzano fut débusqué en avril 2006 aux termes de 43 ans de cavale. Et toujours en Sicile, dans la région de Trapani, les catturandi donnent la chasse à Matteo Messina Denaro, le nouveau parrain des parrains.

http://www.lepoint.fr/monde/le-sud-est-de-la-france-sanctuaire-des-parrains-en-cavale-28-06-2010-471152_24.php

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